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tion et l’inclinaison de la ligne de ses pôles. Je n’ai aucun souvenir que ce sujet ait été traité par quelque observateur. Il est toujours permis de dire avec Socrate : Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien, pourvu qu’aucun autre ne puisse dire qu’il sait quelque chose de plus.

Je prie incidemment le lecteur de vouloir bien me permettre de lui faire remarquer la puissance des symboles mathématiques et combien est vraie cette assertion de Pythagore, que les nombres gouvernent le monde. Un cosmographe s’épuisera à énumérer tout ce que les saisons de la Terre ou de Mars offrent de particulier ; il montrera les deux régions polaires de ces planètes tour à tour couvertes de neige et tour à tour rendues à la végétation et à la vie. Il dira la longueur des jours pour chaque latitude et la durée de chaque saison avec chaque climatologie. Le mathématicien n’a besoin, pour dire tout cela, que d’un seul nombre. Ainsi, quand à côté du nom de la troisième planète à partir du soleil, la Terre, il a inscrit l’angle 23 degrés 27 minutes et demie, tout est dans ce nombre, saisons, climats, longueur des jours, aspects célestes, végétation, vie animale, sans compter les marées et bien d’autres influences que le génie de l’homme n’a point encore découvertes.

La Terre se trouvant placée dans les espaces célestes entre Vénus et Mars, ce sont ces deux planètes voisines qui nous intéressent le plus par leurs analogies ou leurs contrastes avec notre globe. Or, pour les saisons, rien de plus analogue aux saisons de notre Cybèle que les saisons de Mars. C’est en deux ans environ que s’accomplit sa révolution autour du soleil, analogue à notre année. Le jour de Mars est à peu près comme le nôtre, puisqu’il est de 24 heures 37 minutes. Seulement la planète est beaucoup plus petite que la Terre, dont elle n’est que le septième ou le huitième en masse et en volume. J’ai déjà dit et redit dans la Revue que l’on voyait dans l’hiver la neige couvrir le pôle nord de Mars et s’étendre sur les régions polaires, comme on l’observe sur la Terre, et que quand le soleil arrive vers chaque pôle, la fusion de la neige laisse un espace gris et sans doute boueux entre la partie où n’arrive pas la neige et celle où les glaces polaires sont permanentes. Ces glaces polaires sont elles-mêmes un obstacle à la mesure exacte des dimensions de la planète, car comme elles forment un point d’un grand éclat et d’une vive blancheur, elles font paraître la planète plus épaisse dans ce sens qu’elle ne l’est réellement, à peu près comme le croissant de la nouvelle lune parait déborder le disque obscur qui s’observe au moyen du reflet de la Terre, lequel porte le nom de lumière cendrée. J’ai moi-même été témoin des mesures que prenait Arago des dimensions de cette planète avec un appareil d’une force insuffisante ; mais son coup d’œil d’aigle lui faisait obtenir des déterminations d’une telle concordance, qu’avec des grossissemens dix fois plus grands un observateur ordinaire n’eût pas été plus sûr de son résultat. Il faut l’avoir vu à l’œuvre pour comprendre tout ce qu’une organisation si privilégiée pouvait tirer des instrumens.

Tout le monde sait que la zone torride s’étend entre les deux points extrêmes qui ont au solstice le soleil précisément au-dessus de leur tête, et où, suivant l’expression de Lucain, les arbres cessent d’avoir une ombre à midi. Il serait plus juste de dire que c’est un bâton qui, à cette époque de l’année