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douloureuse, qu’il ne put y rester. Curieux de voir à quel degré était ce malencontreux bain froid, il y plongea le thermomètre. C’était une température à cuire un Européen non acclimaté sur les bords du Nil supérieur. On sait que le naïf La Fontaine, après une discussion sur le feu de l’enfer, prétendait que les damnés s’y acclimateraient si bien qu’ils seraient là comme le poisson dans l’eau, et dans les publications récentes des œuvres astronomiques de M. Arago, on trouve que si une comète emportait la terre à une immense distance du soleil, la vie pourrait bien s’y conserver malgré les grandes variations de chaleur qu’éprouverait notre terre. À part l’impossibilité qu’il y a de voir une fourmi entraîner un éléphant ou une baleine, comment croire que nos organismes pourraient supporter de pareilles épreuves ? Pour faire succéder la vie au dépeuplement dans les champs qui entourent Paris, il suffit de 10 à 12 petits degrés centigrades ; 30 ou 40 degrés suffisent pour tout dessécher dans le midi de la France : comment donc admettre que, sans périr, la nature vivante de notre planète pût supporter de tels extrêmes de chaleur et de froid ? Car dans leur plus grand éloignement du soleil, les comètes ne doivent avoir que la température des espaces célestes, c’est-à-dire quelque chose comme 80 ou 100 degrés de froid, tandis que près du soleil certaines comètes, celle de 1843 par exemple, reçoivent des rayons du soleil cinq ou six millions de fois plus chauds qu’ils ne le sont quand ils arrivent à notre terre.

Une cause de réchauffement peu mentionnée jusqu’ici dans les livres d’astronomie et de géologie, c’est l’atmosphère même des planètes. Dans le cas de Jupiter, nous ne pouvons douter que cette atmosphère n’existe. Les bandes obscures que nous voyons sur son disque et qui suivent la direction de nos vents alisés sont évidemment des phénomènes d’atmosphère, puisque ces bandes disparaissent quelquefois, et qu’il s’y montre des taches momentanées indiquant des perturbations ou des orages analogues à ceux de notre atmosphère. C’est une curieuse propriété de la lumière que celle qui explique l’influence que peut avoir une atmosphère pour aider les rayons solaires à échauffer une planète, et notre terre comme toute autre.

Cette propriété consiste en ce que les rayons du soleil, après avoir traversé l’air, une vitre ou un corps transparent quelconque, perdent la faculté de retraverser ce même corps transparent pour retourner vers les espaces célestes. C’est par un procédé fondé sur cette loi physique, non expliquée jusqu’ici, que les jardiniers accélèrent au printemps la végétation des plantes délicates en les recouvrant d’une cloche en verre qui admet les rayons solaires, mais ne les laisse ensuite s’échapper qu’avec beaucoup de difficulté. Si le jardinier met deux ou trois cloches l’une sur l’autre, il fait invariablement cuire la plante ainsi recouverte, et même dans les jours sereins de mars et d’avril il est souvent obligé de relever un des bords de la cloche de verre pour que la plante ne souffre pas du soleil de midi. Au moyen d’un appareil composé d’une boîte noircie en dedans et de plusieurs glaces superposées, Saussure a pu porter de l’eau à l’ébullition, et dans son séjour au cap de Bonne-Espérance dans les jours brûlans de la fin de décembre, sir John Herschel a pu faire cuire un bœuf à la mode de grandeur très raisonnable au moyen de deux boîtes noircies placées l’une dans l’autre et garnies cha-