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espoir une fois perdu (et il fallut y renoncer après la grande épreuve du concile de Florence, où l’archevêque moldave fut démenti par son peuple), la papauté ne vit plus, ne montra plus que des étrangers ou des ennemis dans ces frères. Toute relation, toute correspondance cessa.

De leur côté, aussi longtemps que les Roumains furent par-dessus tout infatués de leur schisme, tout ce qui le contrariait leur semblait odieux. Loin de réclamer le renouvellement de l’alliance avec les Latins, c’était beaucoup pour eux de ne pas les mépriser et les haïr. Ainsi les différends de religion couvraient pour les uns et pour les autres la question de race et de nationalité ; les églises ennemies rejetaient dans l’ombre la parenté de race ; elles tenaient les provinces divisées plus que ne faisait l’éloignement des lieux. La parenté du sang ne pouvait rien où manquait la conformité du dogme. Ni les uns ne tenaient à recouvrer leur droit dans la famille latine, ni les autres n’eussent consenti à l’accorder, et il a fallu que d’autres pensées absolument différentes entrassent dans le monde pour que les titres de la nationalité roumaine retrouvassent leur valeur.

Tout le monde aujourd’hui reconnaît le moldo-valaque pour une langue néo-latine. C’est la une notion vague que l’on admet sans se rendre compte des conséquences qu’elle entraîne et des preuves sur lesquelles elle s’appuie. Je m’étonne de voir dans des ouvrages récens justement estimés que le caractère particulier, distinctif des Roumains soit encore méconnu. Comment cet établissement a-t-il été possible ? Comment s’expliquer ce phénomène presque incroyable d’une société latine, débris perdu d’un vieux monde au milieu d’un océan de peuples étrangers ? Comment, foulés tant de fois et par tout ce que le monde barbare avait de plus violent, cette première empreinte n’a-t-elle pas été effacée ? Comment, au milieu de ce déluge de maux qui n’ont pas cessé même aujourd’hui, se trouve-t-il qu’à certains égards, de toutes les langues romanes, la langue des Carpathes est celle qui se rapproche le plus de l’idiome des Latins ? À ces questions, qui n’ont pu manquer de frapper les esprits, on a répondu d’abord que les Daces, soumis par les Romains, ont été forcés d’apprendre la langue des vainqueurs, que des provinces assujetties à l’empire ont peu à peu désappris leurs anciens idiomes, que les peuples ont dû faire effort pour comprendre les magistrats, qu’ainsi ce sont les classes supérieures qui ont par degré et lentement fait succéder le latin des patriciens aux vieilles langues indigènes.

Confondre la Roumanie avec toutes les autres provinces, c’est s’exposer à tout brouiller. Un fait fondamental domine les origines et l’histoire des peuples moldo-valaques. Cet événement est la grande colonie fondée par Trajan avec des colons tirés de tout le