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c’est un lien de famille entre leur race et la nôtre ; c’est une même descendance, un même berceau, la même langue, les mêmes aïeux. La foi peut-être naïve qu’ils montrent dans la religion des souvenirs communs, la persuasion où ils sont que cette religion ne peut être invoquée sans fruit, que les hommes de l’Occident y sont demeurés aussi fidèles qu’ils le sont eux-mêmes, tous ces traits semblent un dernier reste, de l’antiquité dont ils se couvrent pour y chercher leurs titres confondus avec les nôtres.

Les Roumains disent à l’Occident : « Rendez-nous notre droit de cité dans la famille des peuples latins. Nous sommes des vôtres, quoique enveloppés de Barbares. Arrachez-nous à cette captivité. Que l’éloignement ne vous trompe pas sur ce qui nous touche. Des siècles néfastes nous ont tenus séparés de la mère-patrie, de cette Rome d’où nous descendons tous ; mais, quoique chargés de chaînes étrangères, relégués aux confins de l’Europe, nous sommes des frères pour la France, pour l’Italie, l’Espagne, le Portugal. C’est avec vous que nous voulons former une alliance éternelle, non avec les Barbares qui nous entourent. Vous nous avez oubliés, ayant perdu jusqu’à notre nom, car vous nous appelez Valaques, nous qui nous appelons Roumains. Dans notre profonde misère, s’est-il trouvé une seule époque où nous ayons perdu le souvenir de notre ancienne parenté ? Feuilletez notre histoire. Vous ne trouverez pas chez nous un seul moment d’oubli. Il est vrai qu’il y a eu des temps si funestes, que nous n’avons pas songé à faire valoir nos titres. Eh ! qui eût voulu seulement nous entendre ? Toutes les fois que l’espérance a reparu, c’est vers vous que nous avons tendu les bras. Nous avouons que nous sommes les derniers venus dans la famille latine. Est-ce une raison pour nous contester notre part d’héritage ? Reconnaissez-nous à nos traits, à notre visage. Voyez ! nous portons sur nous le sceau de la vieille Italie ; nous sommes les fils des laboureurs du Latium, du Picentin, de la Gaule Cisalpine et de la province de Narbonne. Mêmes traits, même couleur ; jusqu’aux vêtemens de nos pères, nous avons tout gardé. Voici le pallium, la tunique, les sandales, comme sur la colonne Trajane. Ce sont là des témoins qui parlent pour nous. Plus que tout le reste, nous avons sauvé (Dieu sait au milieu de quelles difficultés et de quels idiomes incultes !) notre langue natale ; vous la parliez autrefois avec nous dans notre berceau commun. Ne nous reconnaissez-vous pas aux accens de cette parole qui nous rappelle à tous la même patrie puissante ? Ne vous servez-vous pas des mêmes mots que nous pour les mêmes choses ? Ne dites-vous pas comme nous pain pâne, ciel cieru, vie viâtza, mort moârte, ainsi du reste ? Si notre langue vous semble encore humble et rustique, peut-être même défigurée par