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l’Italie et des provinces méridionales par l’influence de la maison d’Armagnac, lui enlevaient plus de force morale qu’ils ne lui prêtaient de force militaire. La vraie France de ce temps-là, celle qui s’étend des bords de la Meuse à ceux de la Seine et de la Loire, ne se sentait pas représentée dans un camp où dominaient des montagnards des Hébrides, des archers milanais et de faméliques Gascons. Elle n’avait nulle confiance dans cette cour nomade composée d’hommes obscurs qui se disputaient la faveur de leur maître sans parvenir à la fixer.

Depuis qu’il portait le titre de roi, Charles n’avait pas été plus heureux que lorsqu’à l’excitation des conseillers de sa première jeunesse il avait accepté la complicité d’une faction jusque dans ses crimes. Quelques succès, dus à des bandes que leur indiscipline rendait incapables de toute opération décisive, n’avaient point réparé les désastres de Crevant et de Verneuil, où ce prince avait perdu dans ses auxiliaires écossais la force principale de son armée. Il est constaté, par les aveux mêmes du roi, qu’aux jours qui précédèrent l’arrivée de Jeanne d’Arc il méditait une retraite en Écosse, et l’on sait que la plupart des tristes personnages qui formaient alors son conseil n’aspiraient qu’à ménager quelque part à leur maître une petite souveraineté, calcul qui n’aurait servi des intérêts personnels qu’en compromettant pour jamais ceux de la France. C’était donc avec la confiance la plus entière, et en apparence la mieux fondée, que les Anglais, maîtres du pays jusqu’à la Loire, s’avançaient avec toutes leurs forces, afin de pénétrer par Orléans au centre des provinces méridionales, qui prêtaient à la cause de Charles VII un concours plus égoïste que dévoué, car ces provinces n’appuyaient les droits de cette royauté fugitive qu’à cause de sa faiblesse, et pour se maintenir en face d’elle dans la demi-indépendance à laquelle elles aspiraient toujours.

Toutefois, lorsqu’au mois d’octobre 1428 les Anglais commençaient ce siège mémorable, la royauté de Henri VI ne reposait point en France sur des bases aussi solides qu’on aurait pu le croire à en juger par le désarroi du parti contraire. La nation s’était abandonnée plutôt qu’elle n’avait été vaincue, et elle se sentait supérieure à sa triste fortune. Les Anglais n’avaient pu conduire sur le continent que des forces insuffisantes, car le mauvais vouloir de ses communes avait plus d’une fois contraint Henri V de mettre en gage jusqu’aux diamans de sa couronne pour payer la solde de son armée. Après sa mort, le gouvernement de l’enfant qui lui succéda n’exista plus à Paris que sous le bon plaisir de la faction bourguignonne. Aux yeux de ce parti, les étrangers étaient des auxiliaires et point des conquérans, position qu’il mettait autant de soin à maintenir que les Anglais en prenaient pour la changer. Si les ennemis des