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LE
ROMANCIER DU GHETTO
ET
L’ÉMANCIPATION DES JUIFS DE BOHÈME.

Am Pflug, Eine Geschichte, von Leopold Kompert ; 2 vol., Berlin 1855.

À Prague comme à Presbourg, tout le ghetto[1] est en émoi. Ce ne sont partout que préparatifs de départ, on n’entend de tous côtés que paroles de séparation et d’adieu. Quelle tristesse à travers ce bruit et ce mouvement ! Il y a surtout une pauvre famille agitée de mille sentimens divers. Le brave Rebb Schlome Hahn est un marchand qui gagnait péniblement sa vie en vendant comme ses pareils toute sorte de friperies et de bric-à-brac. Or, depuis le matin, une voiture est arrêtée devant l’humble demeure de Rebb Schlome, et tous les membres de la petite communauté, le père, la mère, les deux fils, la jolie petite fille elle-même avec son babil naïf et sa gaieté confiante, tous enfin sont occupés à transporter sur la charrette les meubles, le linge, les ustensiles du ménage. Voilà des gens bien affairés, les uns tristes jusqu’aux larmes, les autres plus résolus en apparence, mais tourmentés en secret par une vague inquiétude. Au moment de quitter les lieux connus depuis l’enfance, au moment de déplacer ces meubles qui rappellent les événemens du foyer, que de pensées, que d’émotions viennent assaillir ces pauvres âmes ! On

  1. Ce mot italien ghetto est le terme usité dans les villes de l’Autriche pour désigner le quartier des Juifs. Quelquefois aussi le ghetto s’appelle simplement la rue, die Gasse.