inflexible, la séduction d’une amitié vraie et désintéressée, la tendresse tour à tour et l’énergie, l’opinion des gens de bien, la voix de la religion, admirable jusque dans ses fautes et emportant dans sa défaite le respect universel.
Selon sa coutume, avant de faire la guerre à Mme de Hautefort, Mazarin s’efforça de la gagner : il savait l’affection que lui portait la reine, et combien elle pouvait le servir ou lui nuire ; mais Mme de Hautefort se gouvernait par des pensées devant lesquelles échoua toute l’habileté de Mazarin, comme avait déjà fait celle de Richelieu. Elle demeura fidèle, à ses amis, et à sa cause. Anne d’Autriche aussi prit la peine de lui expliquer les raisons qui lui faisaient maintenir Mazarin au ministère, ses talens indubitables, l’extrême difficulté d’un meilleur choix, et la dépendance forcée où il était d’elle, n’ayant en France ni famille ni parti, ni aucun intérêt particulier. À toutes ces raisons, Mme de Hautefort ne manquait pas de réponses bonnes ou mauvaises : que la France n’était pas dépourvue d’hommes d’état, sans qu’on eût besoin d’avoir recours à un étranger, qu’elle n’avait pas essayé de M. de Châteauneuf dont la renommée était si grande, qu’on ne changeait pas honorablement de parti du jour au lendemain, et qu’après s’être déclarée contre Richelieu à la face du monde entier, elle ne pouvait, sans se condamner elle-même, continuer son système et maintenir ses créatures. Elle ne craignait pas d’ajouter, sous un air de badinage, que le cardinal était encore bien jeune, et, dans les commencemens, la reine répondait sur le même ton qu’il était d’un pays où l’on n’aimait pas les femmes, et que de ce côté-là elle n’avait rien à craindre[1].
Mais bientôt les badinages firent place à des discours sérieux. À mesure que la faveur de Mazarin augmenta, et que les fameuses conférences du soir se prolongèrent et se multiplièrent, Mme de Hautefort s’engagea de plus en plus dans l’espèce de ligue qui se forma contre le cardinal. L’ancien parti de la reine Anne était devenu le parti des Importans. Les Importans se divisaient en deux factions bien distinctes, momentanément réunies par un intérêt commun, les politiques et les dévots. Les dévots servaient d’instrumens aux politiques. Ceux-ci, après quelques efforts infructueux, s’étaient presque retirés de la scène, méditant dans l’ombre de redoutables projets, et laissant agir sur l’esprit et sur le cœur de la reine les dévots et les dévotes. L’évêque de Beauvais, qui voulait succéder à Mazarin, et ne se doutait pas qu’il travaillait pour les Vendôme et pour Châteauneuf,
- ↑ Mémoires de La Porte, t. LIX de la collect. Pet., p. 400 : « Un jour, comme Mme d’Hautefort lui disoit que le cardinal étoit encore bien jeune pour qu’il ne se fit point de mauvais discours d’elle et de lui, sa majesté lui répondit qu’il n’aimoit point les femmes, qu’il étoit d’un pays à avoir des inclinations d’une autre nature. »