homme, à grand’peine maintenu, prévaudrait peu à peu sur tout le reste, et avec le temps lui ferait oublier tous ses desseins et tous ses amis. Mme de Hautefort fut quelque temps tout aussi bien avec la reine qu’elle l’avait jamais été. Elle reprit l’ancienne familiarité et cette liberté de langage qu’autrefois Anne tolérait, encourageait même. Mais ; Anne n’était plus une reine disgraciée, reléguée dans un coin du Louvre, à peine entourée de quelques serviteurs fidèles : auxquels elle confiait toutes ses pensées et qui vivaient avec elle dans le commerce le plus intime. Elle était souveraine et régente, en spectacle à la France et à l’Europe, et le premier ministre ne tarda pas à lui dire que sa situation ; étant changée, il lui fallait aussi changer de manières, faire un peu sentir la majesté royale, et mettre doucement un terme à des habitudes incompatibles avec sa condition présente. Sans cesse il lui représentait qu’en souffrant la familiarité, elle ôtait le respect, et que le respect, surtout en France, était la sauvegarde de l’autorité. Son véritable objet était de séparer insensiblement la reine d’amis et de confidens trop intimes, et de devenir lui-même son premier confident et son premier ami, sachant très bien qu’ il en faut toujours un à une femme, fût-elle assise sur un trône. Il se défiait beaucoup de cette belle et vive dame d’atours, qui avait tout fait pour sa maîtresse, et à qui celle-ci permettait tout ; Mme de Hautefort avait l’habitude et le privilège de rester seule avec la reine quand tout le monde s’était retiré, et qu’Anne d’Autriche, était passée dans son oratoire ou même s’était mise au lit. Le soupçonneux et pénétrant Mazarin redoutait avec raison, ces derniers et intimes entretiens où Mme de Hautefort pouvait dire bien des choses à une maîtresse bonne et facile qui l’aimait et qu’elle aimait ; Il conjura la reine de faire à la dignité royale le sacrifice de cette familiarité excessive, et peu à peu il réussit à la persuader.
Un soir, Mme de Hautefort restait comme, à son ordinaire auprès de la reine, qui s’était couchée ; toutes les personnes, admises aux dernières heures de la soirée se retiraient ; une femme de service vint lui dire : « Madame, il faut sortir aussi, s’il vous plaît. » Mme de Hautefort se mit à rire, croyant qu’elle se trompait et lui dit : « Cet ordre n’est pas donné pour moi. » La femme de chambre lui répondit que personne n’était excepté, et Mme de Hautefort, voyant que la reine entendait de son lit tout cela sans dire, un mot, comprit que les anciens jours étaient passés, et qu’un autre, était plus puissant qu’elle sur le cœur d’Anne d’Autriche. Ici. commença la lutte ouverte de l’ancienne favorite et du favori nouveau, où l’un et l’autre employèrent toutes leurs armes et les qualités les plus différentes, celui-ci l’insinuation, l’adresse, la patience, la raison d’état, ne se précipitant jamais, mais avançant toujours ; celle-là une droiture