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Mme de Hautefort aurait pu se résigner au changement politique de la reine, elle ne se résigna point à l’abandon de leurs anciennes et communes amitiés. Nous l’avons déjà dit : elle n’avait point de système sur les affaires d’état ; toute sa politique était dans son cœur, dans sa fierté, dans sa délicatesse. En se donnant à la reine aux jours du malheur, elle s’était liée avec tous ceux qui avaient souffert pour la même cause ; il était donc bien naturel qu’en revenant à la cour, en 1643, elle entrât dans leurs intérêts et s’imaginât qu’ils allaient recevoir comme elle le prix de leur dévouement. Comment aurait-elle rompu avec eux ? C’eût été rompre avec tout le passé de sa vie, avec toutes ses habitudes, avec tous ses sentimens, et pour ainsi dire avec elle-même. L’honneur lui en interdisait la seule pensée et l’honneur était tout pour Mme de Hautefort. Elle aimait la cour, l’éclat, la magnificence, mais elle aimait encore plus la gloire : elle avait ce soin passionné de la considération qui fait fuir la moindre apparence d’une lâcheté et d’une bassesse. Et quand la généreuse fille vit peu à peu, non-seulement tous les anciens plans de la reine abandonnés, mais ses plus anciens et ses plus fidèles amis tenus dans l’ombre, puis disgraciés, puis proscrits et contraints de reprendre le chemin de la prison et de l’exil, elle ne consentit point à passer du côté de la fortune, elle prit parti encore une fois pour les opprimés du jour, parla leur langage, accepta leurs dangers, et regarda en face le nouveau Richelieu triomphant. Elle eut tort sans doute aux yeux de la raison d’état ; mais quelle femme, si ce nom est encore