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que garda toute sa vie leur sœur cadette Marie de Hautefort.

Celle-ci était à peine née quand mourut son père, que sa mère suivit bientôt, en sorte qu’elle resta en très bas âge, et presque sans biens, confiée aux soins de sa grand mère, Mme de La Flotte Hauterive. Ses premières années s’écoulèrent dans l’obscurité et la monotonie de la vie de province. La jeune fille, qui promettait d’être belle et spirituelle, ne tarda pas à s’y ennuyer. Souvent, chez Mme de La Flotte, elle entendait parler de la cour, de cette cour brillante et agitée vers laquelle étaient tournés tous les regards, et où se décidaient les destinées de la France. Elle aussi elle se sentit appelée à y jouer un rôle, et depuis elle racontait plaisamment qu’à douze ou treize ans, unissant déjà la plus sincère piété à cette ardeur de l’âme qu’on appelle l’ambition, elle s’enfermait dans sa chambre pour prier Dieu de la faire aller à la cour. Sa prière fut exaucée : les affaires de Mme de La Flotte l’ayant appelée à Paris, elle y amena avec elle l’aimable enfant, dont les grâces naissantes firent partout la plus heureuse impression. Elle plut particulièrement à la princesse de Conti, Louise-Marguerite de Guise, fille du Balafré, si célèbre par sa beauté, son esprit et sa galanterie, la brillante maîtresse de Bassompierre, l’auteur des Amours du grand Alcandre. La princesse la trouva si jolie, qu’elle voulut la mener avec elle à la promenade, et tout le monde cherchait à deviner quelle était cette charmante personne que l’on voyait à la portière de son carrosserie soir, on ne parla que de Mme de Hautefort, et il ne fut pas difficile d’engager la reine-mère, Marie de Médicis, à la prendre parmi ses filles d’honneur.

Voilà donc Mlle de Hautefort sur le théâtre où elle avait tant souhaité paraître ; elle y montra des qualités qui en peu de temps la firent aimer et admirer tout ensemble : un rare mélange de bonté et de fermeté, une piété vive avec infiniment d’esprit, un très grand air tempéré par une retenue presque sévère que relevait une beauté précoce. On l’appelait l’Aurore, pour marquer son extrême jeunesse et son innocent éclat. En 1630, elle suivit la reine-mère à Lyon, où le roi était tombé sérieusement malade, pendant que Richelieu était à la tête de l’armée en Italie. C’est là que Louis XIII la vit pour la première fois et qu’il commença à la distinguer : Mlle de Hautefort avait alors quatorze ans.

Louis XIII était l’homme du monde qui ressemblait le moins à son père Henri IV : il repoussait jusqu’à l’idée du moindre dérèglement, et les beautés faciles de la cour de sa mère et de sa femme n’attiraient pas même ses regards ; mais ce cœur mélancolique et chaste avait besoin d’une affection ou du moins d’une habitude particulière qui lui tînt lieu de tout le reste et le consolât des ennuis de la royauté.