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montre trop est insuffisant. Nous sommes ici de l’avis des orthodoxes sévères, et nous reconnaissons avec eux qu’il n’y a pas d’orchestre qui produise à l’église un effet comparable à un chœur de voix pures et bien dirigées. M. Gounod a écrit pour l’Offertoire un prélude symphonique qu’il intitule prière intime, et qui nous a paru traduire d’une manière heureuse le sentiment qu’on éprouve à cet instant suprême. Pourquoi donc le compositeur de musique religieuse se croit-il obligé d’employer constamment toutes les ressources de l’orchestre qu’il a à sa disposition, et d’écrire dix ou douze morceaux d’une longueur et d’un développement fatigans ? Pourquoi, en s’inspirant des paroles liturgiques, ne ferait-il pas contraster plus souvent les voix pures avec la puissance de l’instrumentation, qui ne devrait intervenir que dans les situations importantes du sublime sacrifice ? Ah ! c’est qu’il ne suffit pas d’être musicien pour accomplir une œuvre pareille ; il faut être surtout poète dans le sens élevé du mot, et savoir écouter et traduire les veines secrètes du murmure sacré, venas divini susurri, comme dit admirablement saint Augustin. M. Gounod, qui serait digne d’accomplir une si noble tâche, a fait preuve de grand talent dans la messe de Sainte-Cécile, qui doit prendre place, avec celle composée l’année dernière par M. Ambroise Thomas, parmi les meilleures productions qu’on doive à l’heureuse initiative de l’association des musiciens.

C’est le 16 décembre qu’a été célébrée la fermeture de la grande exposition universelle de 1855, mais ce n’est pas sans tambours ni trompettes. Il y en avait beaucoup des uns et des autres, puisque c’est M. Berlioz qui avait été chargé d’organiser cette fête musicale. Nous l’avons échappé belle ! Si M. Berlioz eût réussi dans la tentative d’acclimater en France la musique monumentale, dont il poursuit depuis trente ans le rêve impossible, nous avions une série de concerts monstres qui auraient achevé de nous rendre dignes des plaisirs esthétiques de l’avenir. Il fallait voir M. Berlioz noyé dans un nuage transparent où se réfléchissaient les émotions de son âme, comme dit agréablement son historiographe ordinaire, qui voit tout dans M. Berlioz, comme Malebranche voyait tout en Dieu, excepté ce que désigne si plaisamment Voltaire. Les trente mille auditeurs qui se trouvaient là présens ne s’en sont pas moins allés tout transis, en promettant bien qu’on ne les reprendrait pas une seconde fois à pareille fête, et ils ont tenu parole. Ce public incorrigible n’a voulu applaudir qu’un très beau chœur de Haendel, un autre de Gluck, et surtout la prière de Moïse, de Rossini, qu’il a jugée digne d’être classée parmi les vieilleries du passé.

Je vous le dis en vérité, les morts seuls sont vivans : vivent les morts !


P. SCUDO.