le second acte ne répond pas à ce que promettait le premier, et l’ensemble de l’ouvrage ne paraît pas destiné à une bien grande longévité, il faut dire aussi que l’exécution n’aura pas peu contribué à ce triste résultat. Excepté M. Obin, dont la belle voix de basse n’est pas dépourvue de flexibilité et qui chante avec assez de brio le rôle de Panurge, tout le reste est au-dessous de la critique, particulièrement Mme Laborde, qu’on a réengagée sans doute parce qu’elle n’a pas une seule note juste dans sa voix sèche et criarde comme une crécelle.
Mlle Cruvelli a décidément quitté l’Opéra pour convoler à de nouvelles destinées. Nous lui souhaitons plus de succès dans la carrière qu’elle va parcourir qu’elle n’en a obtenu dans celle qu’elle vient d’abandonner. Mme Tedesco a été réengagée, ainsi que M. Roger ; mais l’événement le plus curieux que nous ayons à signaler, c’est l’engagement à l’Opéra de Mme Borghi-Mamo. Nous concevons très bien que l’administration de ce grand théâtre cherche son bien partout où elle croit le trouver ; mais quel intérêt peut avoir la cantatrice italienne à chanter dans une langue étrangère ? Comme spéculation, nous croyons cette tentative mauvaise, et, au point de vue de la célébrité, l’exemple de Mlle Alboni, qui a perdu dans ces pérégrinations le charme de son talent, aurait dû servir d’enseignement à Mme Borghi-Mamo, qui pourrait bien laisser aussi à l’Opéra une partie de la bonne renommée qu’elle s’est acquise au Théâtre-Italien. Quoi qu’il en soit, ce que l’administration de l’Opéra pourrait faire de mieux pour ses intérêts et nos plaisirs, ce serait de reprendre quelques chefs-d’œuvre de son vieux répertoire, l’Arnide, l’Orphée ou l’Alceste de Gluck, que la génération actuelle ne connaît que de nom, et de laisser reposer un peu les opéras modernes, dont le public commence à se fatiguer. N’est-il pas humiliant qu’il faille aller à Berlin pour entendre exécuter une de ces admirables tragédies lyriques que Gluck est venu composer à Paris ?
La fête de Sainte-Cécile a été célébrée cette année, comme les années précédentes, par l’association des musiciens. Une messe en musique, de la composition de M. Charles Gounod, a été exécutée dans l’église Saint-Eustache, le jeudi 27 novembre 1855, sous la direction de l’auteur. Nous n’avons pas la prétention de pouvoir juger avec équité une œuvre de cette importance après une seule audition. L’impression qui nous en est restée est à peu près conforme à celle que nous avons souvent exprimée sur le talent élevé de M. Gounod, dont le style élégant, puisé aux sources les plus pures, manque peut-être d’originalité. On sent que M. Gounod, dont l’esprit est aussi vif qu’éclairé, cherche encore sa voie, et qu’il n’a pas trouvé cet équilibre des facultés qui est la condition de la force. Dans la messe nouvelle, nous avons particulièrement remarqué le Kyrie qui débute par un thème de plain-chant repris et travaillé avec une grande habileté de main ; puis le Credo, morceau longuement développé, qui renferme des parties excellentes, entre autres le Resurrexit, qui est bien préparé et produit un effet puissant. Peut-être M. Gounod a-t-il été, dans ce morceau capital comme dans le reste de la messe, plus prodigue de contrastes piquans et d’effets ingénieux d’instrumentation que ne le comporte le genre sévère de la musique religieuse. C’est surtout dans le style religieux qu’il est vrai de dire que l’art qui se