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vérité patiente qui préside à l’exécution des moindres détails que par la verve et la liberté qui marquent toutes ses inventions d’une si harmonieuse énergie.

Rentrant dans le domaine de l’industrie, on doit citer parmi les plus habiles fondeurs de Paris M.  Thiébaut et MM.  Eck et Durand. M.  Thiébaut avait exposé de magnifiques fontes brutes coulées d’un seul jet. Pour qu’on n’en pût douter, il les montrait telles qu’elles étaient sorties des moules, encore entourées des jets et des évents. Cette exposition offrait un haut intérêt, telle témoignait de la perfection à laquelle est arrivé maintenant le moulage en sable. Il est bon d’ajouter que ces fontes d’un seul jet n’étaient que des tours de force exécutés pour la circonstance : dans la pratique habituelle, toutes ces statues sont fondues en plusieurs pièces. Quant à MM.  Eck et Durand, pour se convaincre de leur habileté, il suffit de rappeler que ce sont eux qui ont fondu les portes de la Madeleine, et de signaler, outre les fontes si délicates qui ont figuré dans leur exposition particulière, les principaux monumens en bronze de la grande nef du palais.

Veut-on maintenant connaître le goût général qui domine aujourd’hui ? Il faut regarder les bronzes de M.  Denière. La plupart de ces bronzes sont dorés ; ne pouvant les faire beaux, on les a faits riches. Sans doute tout cela est éblouissant, et cependant je reste froid et insensible. Pourquoi ? Parce que là rien n’est simple, rien n’est vrai, rien n’est réellement grand, rien n’élève ma pensée vers l’idéal, que je cherche partout, même dans les plus modestes objets. Voyez ce service de table exécuté pour M.  de Kisselef ; examinez toutes ces figures si bien dorées à l’or mat, ces enfans maniérés, ces femmes nues dont les corps semblent tordus à dessein pour montrer la richesse prétentieuse de leur sein : où est la simplicité ? où est la vraie beauté ?… Je ne vois là qu’un luxe qui s’affiche, une richesse matérielle considérable, et rien de plus. J’en dirais autant de cette grande corbeille de fleurs soutenue par trois enfans de grandeur naturelle, d’un goût et d’un dessin déplorables. Certainement tout cela est arrangé avec une certaine recherche, c’est peut-être ce que le monde appelle joli ; mais alors le monde se trompe, et l’art n’a rien à voir dans de pareilles extravagances.

Parmi les nations étrangères chez lesquelles l’art des bronzes est encore représenté par des œuvres sérieuses, le royaume-uni doit être cité le premier. Dans une des principales villes manufacturières de ce pays, à Birmingham, un industriel puissant par les ressources dont il dispose et par l’énergie qu’il met dans ses efforts, M.  Elkington, est presque parvenu à acclimater en Angleterre cette industrie des bronzes d’art, si peu faite pour vivre et se développer au milieu des brouillards ; mais les Anglais ont beau nous enlever à prix d’or nos