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grande place, tandis que cette industrie, chez les notions étrangères les plus riches, n’était représentée que par un petit nombre d’objets. L’art des bronzes est maintenant en effet éminemment français et presque exclusivement parisien. Il occupe à Paris plus de dix mille ouvriers, et met en circulation une valeur annuelle qui s’élève au moins à 30 millions de francs. Ce n’est pas seulement dans les ateliers des fabricant en renom que se trouvent ces nombreux ouvriers : un grand nombre travaillent en chambre, et pour leur compte ; puis ils vendent leurs produits aux marchands, qui les exposent sous leurs noms, dans leurs magasins. Telle est du reste l’organisation de la plupart des industries parisiennes. Le véritable producteur reste presque toujours ignoré, inconnu du public, qui ne voit que le commerçant décoré du titre de fabricant, bien qu’il ne fabrique souvent rien du tout. Toutefois ce fait est loin d’être général, et nous aurons bientôt l’occasion de citer, parmi les fondeurs les plus habiles, des noms qui, dans l’industrie parisienne, comptent parmi les plus importans.

On peut presque dire, au sujet des bronzes d’art, que la France fournit maintenant à la consommation du monde entier. Du moment où cette branche de l’art tombait dans le domaine presque exclusif de l’industrie, Paris devait en avoir le monopole. Ce centre unique d’activité et de mouvement pouvait seul fournir une main-d’œuvre assez intelligente pour suppléer au travail de l’artiste, devenu désormais impossible sur ces objets d’une faible valeur. Depuis longtemps déjà, Paris impose son luxe et son goût, non-seulement à la France, mais au reste de l’Europe. Eh bien ! cette prédilection, qui attire vers nous les nations civilisées, nous impose de grandes obligations. Nous sommes pour ainsi dire responsables du goût de tous les peuples, que nous entraînons par notre exemple, et nous devons veiller avec d’autant, plus de soin à élever incessamment chez nous le sentiment moral de l’art. Or les bronzes sont un des moyens de propagande les plus puissans dont nous disposions. Reproduits à l’infini et dispersés dans le monde entier, ils sont comme les nombreux exemplaires d’un livre où nous aurions écrit notre dernier mot sur ce qu’il faut considérer comme étant véritablement beau et bon.

Parmi les représentans de l’industrie parisienne des bronzes d’art, il faut nommer en première ligne M. Barbedienne. Au moyen d’un appareil, dû à M. Collas, qui permet de réduire tous, les monumens de l’art avec une précision presque mathématique, M. Barbedienne s’est emparé des principaux chefs-d’œuvre de la sculpture, et il s’est appliqué à les populariser en les mettant à la portée des plus humbles. C’est là qu’ont tendu des efforts incessans, récompensés déjà par de légitimes succès. Nulle part la propagande que font journellement les bronzes d’art ne s’est manifestée d’une façon plus heu-