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À Rome, le véritable type de l’art du bronze est la statue équestre de Marc-Aurèle Antonin sur la place du Capitale. Au premier abord, cette œuvre si remarquable peut sembler froide : elle ne pose pas comme le Louis XIV lancé au galop au milieu de la place des Victoires, mais plus d’un enseignement utile pourrait sortir de la comparaison de ces deux œuvres, que sépare une distance de quinze siècles. On verrait d’un côté la véritable grandeur, de l’autre l’emphase et l’exagération. Le musée capitolin renferme en outre plusieurs bronzes antiques d’une rare beauté, et en première ligne cette charmante figure si connue sous le nom du Berger Marzio ou du Tireur d’Épine. L’art romain a revendiqué pour lui cette belle statue ; mais sa nudité absolue, la pureté du style, la délicatesse du travail, tout dénote qu’elle est plutôt l’œuvre d’un artiste grec. Du reste elle ne représente ni le berger Marzio, ni un enfant qui tirerait une épine enfoncée dans son pied : cette figure est trop calme pour exprimer la douleur ; sans doute cet adolescent se frotte avec le strigile, et nous avons peut-être là le puerum distringentem qui se trouvait dans les thermes d’Agrippa, et dont Pline parle avec tant d’éloges. Un Hercule plus grand que nature, et qui a encore toute sa dorure antique, est une œuvre également parfaite, d’origine grecque sans doute aussi, mais que le temps n’a malheureusement pas respectée dans toutes ses parties. Il ne faut pas non plus oublier dans le palais des Conservateurs l’antique louve de bronze allaitant Romulus et Rémus. Ce bronze, d’un travail étrusque (ainsi que l’indique la disposition des poils rangés par étages), est un des monumens les plus précieux et les mieux conservés de l’ancienne Rome. Les enfans sont modernes. Enfin il est impossible de quitter Rome sans nommer au moins l’Apollon Sauroctone de la villa Albani, admirable figure dont Winckelmann parle souvent avec éloge, et qu’il attribue à Praxitèle.

Parmi les cités italiennes qui possèdent quelques beaux bronzes antiques, après Rome et Naples se présentent Palerme, où l’on trouve quelques statues remarquables provenant des fouilles d’Herculanum ; Venise, où l’on voit les quatre chevaux parodiés par M.  Bosio sur l’arc du Carrousel. Ils étaient encore à Constantinople au commencement du XIIIe siècle, lorsque les Vénitiens s’emparèrent de cette ville et emmenèrent en captivité ces belles reliques de l’art grec. La campagne d’Italie les avait amenés à Paris ; Waterloo les a replacés au-dessus de la grande porte de la basilique de Saint-Marc. À Florence la Galerie Royale compte quelques beaux bronzes anciens, tels que l’Orateur et l’Idolino. Hors de l’Italie, de rares, monumens dis-

    de Naples, et le peuple lui attribuait la puissance miraculeuse de guérir les maladies des chevaux. En 1332, l’archevêque de Naples, voulant abolir cette grossière superstition, fit foudre l’idole et la transforma en cloches pour la cathédrale. Heureusement on put sauver la tête et le cou.