c’est-à-dire qu’il parlait avec une émotion vraie, tout en se proposant un but, et Fox, sans se croire l’objet d’une confiance particulière, fut touché d’un abandon qui dans le moment n’avait rien de joué. Si peu de secret avec de si grands desseins, rien ne saurait captiver autant. Fox revint d’Angleterre confiant dans les intentions de Bonaparte sans l’être tout à fait autant dans son caractère, mais n’ayant pas évidemment pénétré la nature de son esprit. Quant à son gouvernement, il faut se rappeler que les formes militaires n’avaient rien qui fût du goût du libéral orateur, et que pour les Anglais de ce temps la revue d’un corps d’armée dans le Carrousel était une chose presque choquante. Puis une fois Fox était entré au tribunat, et il y avait entendu un secrétaire lire la liste des ouvrages dont il était fait hommage à la nation. La séance n’avait rien eu de plus important.
Un jour qu’il travaillait aux affaires étrangères, la porte du cabinet s’ouvrit, et son secrétaire vit entier une personne inconnue dont les traits respiraient une douce émotion. Fox parut également ému, et tous d’eux s’embrassèrent. C’était M. de Lafayette qui venait remercier son éloquent défenseur, et le prier de passer quelques jours à Lagrange, au sein de sa famille, avec le général Fitzpatrick. Je n’ose recueillir dans les livres qui sont sous mes yeux les souvenirs des jours que passa Fox auprès des prisonnières d’Olmütz. Ceux qui ont vu Lagrange se rappellent peut-être le lierre qui d’une tourelle à l’autre va recouvrant d’une verdure épaisse l’ancienne porte fortifiée. C’est Fox qui a planté ce lierre.
Ce que M. de Lafayette a dit de cette visite de Fox n’est pas sans intérêt pour notre récit.
« La paix d’Amiens amena un grand nombre d’Anglais. « Ils s’en iront tous mécontens, me dit l’ambassadeur Livingston ; les uns avaient cru trouver la France inculte, ils la voient florissante ; les autres espéraient y voir des traces de liberté ; tous ont été désappointés. » Je me trouvai à Chavaniac lorsque Charles Fox et le général Fitzpatrick arrivèrent à Paris ; ils voulurent bien mander que j’étais un des principaux objets de leur voyage. Je me hâtai de les joindre. M. et Mme Fox, Fitzpatrick, MM. Saint-John et Trotter passèrent quelques jours à Lagrange. Je vis à Paris les lords Holland et Lauderdale, le nouveau duc de Bedford, M. Adair et M. Erskine, que je pressai en vain d’écrire sur le jury d’Angleterre et de France. Je trouvai mes amis anglais peu encourageans. « Les premières années de la révolution, disaient-ils, nous avaient fait grand bien ; ses excès ont ruiné la bonne cause. » Ils pensaient que, même en Angleterre, elle était compromise. Un jour que Fox, avec son aimable bonté de cœur, m’engageait devant mon fils à ne pas trop m’affecter d’un délai nécessaire : « La liberté renaîtra, disait-il, mais non, pour nous, pour George tout au plus, et sûrement pour ses enfans. » En nous voyant de loin dans la carrière révolutionnaire, ils avaient regardé ceux qui nous dépassaient comme emportés par l’enthousiasme républicain.