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applaudissemens furent universels. Son embarras était extrême en recevant un témoignage de bienveillance auquel il ne pouvait répondre. Le premier consul assistait à la représentation, et Fox le vit ce soir-là pour la première fois.

Dans ses voyages en Italie, il avait formé son goût pour les arts, et rien ne l’attira plus que le musée du Louvre, alors si magnifiquement enrichi par nos conquêtes. À peine y fut-il entré, que son admiration tint du transport. Il y retourna souvent, et chaque fois son plaisir était plus vif et mieux senti. Il ne tarissait pas en réflexions justes et délicates. Dans une collection qui réunissait alors la Transfiguration de Raphaël, le Saint Pierre de Titien, l’Antiope du Corrège la Descente de Croix de Rubens, il préférait le Saint Jérôme du Dominiquin. Il revenait souvent devant ce chef-d’œuvre, s’arrêtait longtemps à le contempler, et commentait avec éloquence les beautés toujours nouvelles qu’il y découvrait chaque fois.

Il ne tiendrait qu’à nous de le suivre à Versailles, à Trianon, à Saint-Cloud, même à l’Opéra et à Tivoli. Comme tous les hommes d’imagination, il voyageait pour son plaisir, et non pour celui de sa vanité. Plusieurs amis l’avaient rejoint, lord Robert Spencer, lord Holland, le général Fitzpatrick, sir Robert Adair, et on le voit plus empressé dans les premiers jours de visiter avec eux tout ce qui piquait sa curiosité ou charmait son goût que d’aller dans un monde nouveau chercher les hommages et se donner en spectacle. Il paraît même s’être fait admettre aux archives des affaires étrangères, ce qui était le principal objet de son voyage, avant d’avoir eu des relations directes avec les membres du gouvernement. Cependant il devait remercier M. de Talleyrand. Il le connaissait d’ailleurs, et il parut à l’une des soirées élégamment officielles de sa maison de campagne de Neuilly. On a toujours trouvé que M. de Talleyrand avait au plus haut degré l’air d’un grand seigneur. Ce ne fut jamais plus vrai qu’au temps où il était ministre de la république française ; il tranchait par le contraste. Dans ce salon, où se pressaient tout ce que la France et l’Europe offraient de plus brillant, tout ce qui restait de l’ancien régime, tout ce qui s’élevait du nouveau, Fox rencontrait des hommes dont le nom n’est pas oublié, le marquis Lucchesini, le comte Markof, le marquis de Gallo, le chevalier d’Azara, M. Livingston, « le plus agréable Américain avec qui il ait jamais causé. » M. d’Azara s’approcha de lui, et lui montrant toute la compagnie : « Que pensez-vous de tout ceci ? lui dit-il. — C’est un temps d’étonnement, répondit Fox. J’entends dire que la Vénus de Médicis est en route. Que verrons-nous après cela ? »

Cette soirée, était la veille du jour où il devait aller au lever du premier consul. Le lendemain, il retrouva le même monde au palais