et du pays, « trêve à votre métaphysique écossaise, monsieur Dundas ! » répondait-il. Pitt lui écrivit pour lui soumettre une dernière fois la question : la réponse fut négative, et l’orateur de la chambre des communes fut appelé à composer un cabinet.
M. Addington, connu depuis sous le nom de lord Sidmouth, était un de ces hommes modérés en tout, même en talens, que le monde honore au second rang et dédaigne au premier. La circonstance qui l’appelait au pouvoir l’obligeait à composer son ministère dans le parti de la cour ; il devait même se montrer moins libéral dans ses vues spéculatives que son altier prédécesseur, mais plus conciliant dans sa conduite, étant plus faible et libre des engagemens d’une lutte irritante avec l’opposition. La question des catholiques n’avait pas été publiquement posée. L’opinion n’y songeait pas ; le parlement l’aurait probablement résolue comme le roi. Il n’y avait donc pas de querelle à chercher au ministère sur ce point, et, formé sous l’influence des nouvelles dispositions de l’Angleterre et de la France, il se présentait naturellement comme le négociateur de la paix, de cette paix à laquelle Pitt ne s’opposait plus et que Fox avait sans relâche invoquée.
Telle est la vanité de nos desseins, que leur succès même dément quelquefois la pensée qui les a inspirés ou semble la compensation de nos fautes. Malgré d’immenses sacrifices, la guerre n’avait en rien diminué l’Angleterre, et pourtant elle avait mal réussi. Le sang-froid, la fermeté, la persévérance, l’habileté du grand administrateur avaient élevé Pitt très haut dans l’opinion de ses concitoyens, et cependant il avait échoué dans tout ce qu’il s’était proposé. La guerre s’était prolongée contre son attente ; avec le désir de la terminer, il n’en avait pas su trouver l’occasion. Plus inquiet encore de l’agrandissement de la France que de sa révolution, il avait voulu anéantir ou du moins réprimer l’une et l’autre, et la révolution, se transformant sans cesse, avait enfin pris la forme d’un pouvoir énergique et brillant qui se fondait sur la gloire, comportait la stabilité, et semblait fait pour organiser et illustrer une société nouvelle. En refusant de le reconnaître à sa naissance, Pitt avait donné à Bonaparte le temps d’ajouter à ses victoires la bataille de Marengo. La France allait jusqu’au Rhin ; elle dominait l’Italie. Le continent était soumis ou captivé. L’Angleterre, la moins intéressée des puissances à la guerre contre-révolutionnaire, finissait par rester seule à la soutenir. Au moment où s’ouvraient les négociations, pliant sous le faix des impôts, elle luttait contre la disette et le désordre. Pitt, sortant du pouvoir, avait beau donner à sa retraite un motif honorable et parfaitement indépendant de ces circonstances : il semblait qu’il dût se retirer sous le coup de ses revers et frappé sans retour par la réprobation publique. C’eût été ingratitude, mais non pas injustice ;