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Démosthène ? Difficile ou non, il faut que vous le lisiez, et que vous le lisiez en vue de rechercher, ce que vous n’avez probablement jamais fait encore, à quel point sa manière de traiter les choses peut être introduite avec succès dans le débat parlementaire. Il est certain que ses discours iraient mieux, dans l’état actuel, à l’autre côté de la question, et si Pitt avait quelque savoir, ou si ceux de ses amis qui en ont avaient quelque génie, ils devraient faire grand usage de Démosthène et pour le fond et pour la manière ; mais celle-ci est excellente pour l’un comme pour l’autre parti. »


On ne peut voir sans, surprise et sans intérêt quels plaisirs, je dirai passionnés, donnait la poésie à cet homme d’état plongé dès sa jeunesse dans les débats de la vie politique. C’est encore un des mérites des gouvernemens libres que de ne pas éteindre l’imagination des hommes publics, et de leur permettre, de les obliger même de conserver au sein des affaires le sentiment du beau et la faculté d’admirer. On remarquera que dans ses lectures Fox semblait fuir ce qui aurait pu lui rappeler les affaires. Bien qu’admirateur d’Aristote et de Montesquieu, il recherchait peu les publicistes ; il estime surtout dans Blackstone l’excellent écrivain ; il ne pouvait souffrir l’économie politique, et l’histoire même ne l’occupa que médiocrement jusqu’au jour où il songea à devenir historien. Impatienté contre Hume et son imperturbable royalisme, il conçut l’idée de raconter la chute définitive des Stuarts, et, pendant tout le reste de sa vie, il n’interrompait les loisirs de sa retraite que pour recueillir les matériaux et poser les premières assises du monument qu’il n’a pas eu le temps d’achever.

Cependant il fallait quelquefois reporter sa pensée sur les affaires de l’Angleterre et du monde, il fallait se montrer au parlement : c’était l’habeas corpus à défendre, c’étaient des poursuites politiques à flétrir ou à modérer, c’étaient des chances de paix à faire valoir, c’était la captivité de Lafayette à dénoncer au monde. Que de débats passionnés, que de scènes éloquentes aurait à décrire une histoire parlementaire ! Mais, si l’on y apprenait comment il faut soutenir avec persévérance une cause désespérée, on ne pénétrerait point peut-être dans l’âme de Fox, et l’orateur officiel ne nous laisserait pas soupçonner les pensées intimes qui l’agitaient, et ce que lui coûtaient les efforts de son courage.


II

Quoique les Anglais eussent fait plus d’une conquête au-delà des mers, ils n’avaient remporté aucune victoire mémorable. Le duc d’York, en descendant sur le continent, n’avait pas illustré leurs armes. La guerre était le beau côté de la révolution française ; là