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dans un même anathème les principes et les événemens de la révolution ; mais on doit avouer qu’elles ne réfutaient pas complètement la théorie de la guerre à la veille du 21 janvier, après les manifestes de la convention, après les provocations de Brissot. Fox était condamné par la conviction de la bonté générale de sa cause à la tâche laborieuse, hélas ! et trop bien connue de qui porte un cœur français, à la tâche de défendre la révolution lorsqu’elle se diffamait elle-même, à soutenir le bon droit servi par l’iniquité, la raison armée du crime. Il ne défaillit point à cette tâche, mais il en sentit tout le poids, et il le soutint sans plier. « Si j’avais voulu dans ces murs, hors de ces murs, dit-il une fois tristement à la chambre, obtenir la popularité, j’aurais pris une marche opposée. Peut-être le peuple fera-t-il de ma maison ce qu’on a fait de celle du docteur Priestley. » On sait qu’en 1791 les unitairiens ayant tenu à Birmingham, pour l’anniversaire de la prise de la Bastille, une réunion où Priestley devait parler, la populace la dispersa par la violence, et brûla la maison, le laboratoire, les instrumens et les livres du savant célèbre que l’impunité de cet attentat contraignit à fuir en Amérique.

L’opinion générale était en effet fort éloignée de suivre Fox. Il le savait et ne cédait pas. Il voyait fuir sa popularité, sa gloire, ses amis. Son parti, réduit en nombre, ne se conformait pas toujours à ses vues, faute d’apercevoir avec le même discernement les côtés faibles de leur commune situation. Il lui fallait résister aux mesures de défense contre des manifestations qu’il n’approuvait pas, s’intéresser à ceux qui compromettaient sa cause, lutter contre une guerre où l’honneur national s’engageait de plus en plus, paraître au moins neutre entre une monarchie et une république, exagérer les iniquités de l’une pour pallier les cruautés de l’autre. « Tandis que les Français font tout ce qu’ils peuvent pour rendre le nom de la liberté odieux au monde, les despotes se conduisent de manière à montrer que la tyrannie est pire. » Voilà ce qu’il s’efforçait de se persuader en écrivant à lord Holland : « Nous vivons dans un temps de violence et d’extrémités, et tous ceux qui veulent créer ou conserver des freins au pouvoir sont regardés comme des ennemis de l’ordre… la France fait pis est la seule réponse, et peut-être est-elle fondée en fait, car les horreurs y redoublent.. « Enfin la liberté n’est pas populaire, et parmi ceux qui lui sont attachés, il n’y en a que trop dont les plans de gouvernement sauvages et impraticables acquièrent dans notre malheureuse situation plus d’apparence plausible et de crédit qu’ils ne méritent. Le pays est divisé très inégalement entre la majorité dominée par la peur ou corrompue par l’espérance, et la minorité qui n’attend qu’une occasion de recourir aux remèdes violens. Le peu qui ne sont ni assez soumis pour se taire, ni assez exaspérés pour renoncer