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1789, il était en 1791, sous le titre de lord Grenville, le ministre dirigeant de la chambre des pairs, et certainement le plus considérable des collègues de M. Pitt. On a aujourd’hui les lettres qu’il écrivait à son frère, et l’on y voit qu’après quelques vœux pour le succès du duc de Brunswick, il s’applaudit fort d’avoir résisté à toutes les instances et maintenu l’Angleterre à l’écart. Avec l’indifférence égoïste qu’affectent volontiers les cabinets britanniques, il prend son parti de voir la coalition honteusement échouer.


« L’empereur doit sentir qu’il a maintenant acquis un ennemi qu’il faut qu’il dévore ou dont il faut qu’il soit dévoré. Le parti qui gouverne à Paris aura nombre de raisons toutes trouvées pour continuer la guerre. Le reste de l’empire donnera son contingent, à moins qu’il ne soit assez heureux pour être forcé de signer une capitulation de neutralité. La Sardaigne et l’Italie se défendront comme elles pourront, probablement très mal. Ce que fera l’Espagne, elle ne le sait pas, et par conséquent nous non plus assurément. Le Portugal et la Hollande feront ce que nous voudrons. Nous ne ferons rien. »


Voilà ce qu’il écrivait confidentiellement le 7 novembre 1792, c’est-à-dire après le 10 août, après le 2 septembre, après que le roi de France était depuis trois mois au Temple, et il ajoutait ces paroles plus politiques :


« Je suis de plus en plus convaincu que l’on ne peut préserver mon pays de tous les maux qui nous environnent qu’en nous tenant entièrement et complètement à l’écart, et en veillant bien à l’intérieur, mais en faisant très peu de chose, bornant nos efforts à entretenir dans le pays une détermination effective de défendre la constitution, si elle est attaquée, ce qui sera très infailliblement si les choses continuent et, par-dessus tout, nous efforçant de rendre la situation des classes inférieures parmi nous aussi bonne qu’il sera possible. »


C’est la politique qu’avec plus de regret Dundas signifiait comme irrévocablement adoptée à Burke indigné. Dix mois ne s’étaient pas écoulés depuis que Pitt avait dit en pleine chambre des communes : « Incontestablement il n’y a jamais eu d’époque de l’histoire de ce pays où, d’après la situation de l’Europe, nous pussions plus raisonnablement espérer quinze ans de paix que nous ne le pouvons faire en ce moment. »

Aucun motif autre que la personnalité des hommes d’état ne rendait alors impossible de les réunir dans une coalition que justifiaient la gravité et la nouveauté de la situation. Burke seul, lié par ses invectives et ses prédictions, sonnant l’alarme matin et soir, et poussant de toutes ses forces à faire de la révolution française un cas de guerre civile européenne, soutenait que Fox, infecté des principes