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de la disette, qu’il s’agisse de blé ou de coton. Telles sont les conséquences certaines de la solidarité du canal avec tous les bras et tous les barrages du fleuve.

Enfin qu’on nous pardonne un rapprochement entre les trois projets. Ce qu’il y a de négatif dans le système du tracé direct et du canal de Suez à Peluse s’accuse avec une évidence accablante, à cette heure qu’on a sous les yeux une image de tout ce qu’il y a de fécond dans l’application bien entendue du tracé indirect. Le canal de l’isthme a été convaincu de faute contre l’art même, comme aventurant le débouché à Tineh à tout prix et à tout risque ; il a été convaincu de vouloir sacrifier Alexandrie à la plus malencontreuse des fondations ; actuellement il est convaincu de s’être désintéressé de toutes les questions égyptiennes avec une indifférence incroyable, et, nous le demanderions respectueusement au pacha d’Égypte lui-même, n’est-il pas condamnable et pour le mal qu’il eût fait et pour le bien qu’il ne s’est pas soucié de faire ? Le projet du canal par le barrage a affirmé le principe du canal des deux mers, c’est son mérite éminent et singulier ; mais il a échoué dans l’application. Ce que ce projet a voulu faire de bien, c’est le projet nouveau qui le réalise, grâce à une définition plus nette du principe et à une rectification du tracé dans ce milieu que le projet antérieur avait donné et où il s’est égaré. Le nouveau canal s’établit à la base du Delta. Il laisse à l’irrigation toutes les eaux utiles et n’appauvrit point le Nil. Il s’alimente de la retenue des eaux, qui n’ont plus d’autre destination que de s’abîmer dans la mer ; par cet acte de conservation, dont tous les peuples civilisés font l’objet de plus d’un vœu et d’une étude, il ajoute au fleuve une branche qui se crée sans rien coûter aux autres et sans contrarier leurs services, une branche qui, loin d’être parasite, accroît l’abondance générale. Et en même temps qu’il empêche les eaux nourricières de se perdre dans la Méditerranée, il empêche les eaux stérilisantes de la Méditerranée de pénétrer sur le sol et de s’y établir. C’est un immense barrage qui, en se posant sur le littoral, repousse la mer dans ses limites, retient le fleuve sur la terre, assure l’irrigation complète du Delta, fait refluer l’arrosage jusque dans une région supérieure, et corrigera même l’insuffisance des crues. Il intervient comme un élément d’organisation dans la vaste machine hydraulique de l’Égypte ; le canal des deux mers détermine irrésistiblement la transformation de tout le régime du Nil.


IV. — DEVIS COMPARÉS.

Cette comparaison des trois projets doit être complétée par celle des trois devis. Ce n’est pas qu’il s’agisse d’introduire un motif d’option