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signa Guillaume après son avènement. Un peu plus tard, et pour témoigner en même temps sa faveur aux deux familles unies entre elles par les liens domestiques comme par les sentimens politiques, il conféra aux comtes de Bedford et de Devonshire le titre de ducs, et les lettres-patentes données au nouveau duc de Bedford portaient : «Parmi les raisons de cette faveur, ce n’est pas la moindre qu’il soit le père de lord Russell, l’ornement de ce temps; il ne suffit pas que les rares mérites d’un tel homme soient transmis à la postérité par l’histoire; le roi et la reine veulent les inscrire dans leurs présentes lettres, afin qu’elles restent dans sa famille comme un monument consacré à cette vertu accomplie, dont la mémoire doit subsister aussi longtemps que les hommes conserveront quelque estime pour la sainteté des mœurs, la grandeur de l’âme et l’amour de la patrie constant et invincible, même par la mort. »

Les satisfactions domestiques vinrent à lady Russell en même temps que les réparations et les honneurs politiques; elle maria sa seconde fille, Catherine, à lord Roos, fils aîné du duc de Rutland, et son fils, lord Tavistock, âgé seulement de quinze ans, à miss Howland, riche héritière du comté de Surrey. Ni dans l’une ni dans l’autre de ces circonstances, elle ne se décida précipitamment et par les seules considérations de rang et de fortune; elle hésita quelque temps avant de placer sa fille dans la famille du duc de Rutland, à cause d’un divorce qui lui inspirait quelques scrupules, et elle avait refusé pour son fils un mariage plus riche encore que celui qu’elle lui fit contracter. L’éclat de ces alliances et de ces prospérités de famille attirait sur elle tous les regards sans que personne en parût surpris ni envieux; le public témoignait hautement sa sympathie pour cette justice de Dieu et des hommes envers la vertu en deuil, et les parens, les amis des Russell, des Cavendish et des Wriothesley prenaient plaisir à reporter vers lady Russell, retirée dans Southampton-House, le bruit joyeux des fêtes auxquelles elle demeurait étrangère. Sa fille Catherine, après son mariage avec lord Roos, fut conduite par son mari à Belvoir, château du duc de Rutland, son beau-père; à cette occasion, le même gentilhomme par qui, dix ans auparavant, lord Cavendish avait fait porter à lord Russell condamné l’offre de se mettre en prison à sa place et de le faire évader, sir James Forbes écrit à lady Russell : « Je veux vous donner, mylady, quelques détails sur le voyage de lord et de lady Roos, et sur leur réception à Belvoir, qui a ressemblé à la marche d’un roi et d’une reine à travers leur royaume bien plus qu’à celle de deux jeunes mariés se rendant chez leur père. A leur entrée dans le Leicestershire, ils ont été reçus par le grand shériff et par tous les gentilshommes du comté, qui sont venus à Harborough rendre à la