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il y a une considération supérieure, c’est que jamais des aliénations de ce genre, accomplies dans la détresse, n’ont sauvé les finances d’un pays. Il arrive le plus souvent ce qui est arrivé à l’Espagne elle-même : c’est que les biens n’existent plus, et que leur prix se trouve dévoré sans résultat, sans avoir comblé un déficit. Telle est pour le moment, au double point de vue politique et financier, la situation de l’Espagne, et elle offre peu de gages de sécurité. ch. de mazade.



REVUE MUSICALE.

Depuis la Fonti, dont l’agréable succès se continue, l’Opéra n’a rien donné de nouveau. On y prépare la reprise de la Juive pour Mlle Cruvelli, et celle du Prophète, où Mme Stoltz doit jouer le rôle de Fidès. Ce sera une curiosité qui ne manquera pas d’intérêt que de voir la fougueuse prima donna aux prises avec un caractère savant et compliqué. Au théâtre de l’Opéra-Comique, où l’Étoile du Nord a atteint la centième représentation, on a donné un petit ouvrage en un acte de M. Grisar, le Chien du Jardinier, qui mérite d’être signalé. Il s’agit d’une coquette de village dont le bonheur consiste à troubler celui des autres, et qui ne se résout à accepter la main d’un soupirant émérite que parce qu’il paraît vouloir ne plus se soucier d’elle. Sur ce canevas assez ingénieusement disposé par MM. Lockroy et Cormon, M. Grisar a composé une musique spirituelle et parfois charmante. Quel dommage que M. Grisar, que l’auteur heureusement doué de l’Eau merveilleuse, de Gilles le ravisseur, des Porcherons et même de Bonsoir, M. Pantalon, se soit trop attardé à l’école buissonnière, et qu’il n’ait point appris suffisamment l’art de développer une idée, qui est l’art musical tout entier ! Avec la gaîté naïve dont ses fraîches mélodies sont empreintes, avec le naturel et la grâce propre à sa muse, qui,

Telle qu’une bergère au plus beau jour de fête,
De superbes rubis ne charge point sa tête,

M. Grisar aurait pu devenir, s’il l’eût voulu, l’espoir de l’école française, le digne successeur de Grétry, dont il possède le parfum mélodique, de Boïeldieu et de M. Auber, dont il a l’entrain et la désinvolture. C’est la réflexion que nous faisions l’autre soir en écoutant le joli quatuor du Chien du Jardinier, dont L’andante serait digne de Cimarosa par la suavité des contours et les bouffées d’harmonie sereine qui s’en exhalent, si la fin répondait au commencement. Toute cette agréable partition est remplie de jolis motifs et d’étincelles qu’une main plus industrieuse aurait transformés en un véritable petit chef-d’œuvre. L’exécution en est assez bonne ; M. Faure surtout chante avec rondeur et avec une voix de baryton qui a du timbre, la chansonnette du Chien du Jardinier, qui forme la morale de l’apologue.

Un opéra en un acte. Miss Fauvette, qui a été représenté depuis à l’Opéra-Comique, n’a pas été, à beaucoup près, aussi bien accueilli que le Chien du Jardinier, et M. Victor Massé, l’auteur de la musique, aura même de la peine à se faire pardonner ce nouveau péché d’une jeunesse qui se prolonge un peu trop.