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les guerres générales du continent. La grande raison enfin, le général Durando l’a dit avec une rare éloquence, c’est une raison de civilisation, c’est que la question qui s’agite aujourd’hui est une question de sécurité et d’indépendance pour l’Europe, pour les petits pays comme pour les états plus considérables. « Si vous n’approuvez pas ce traité, a dit avec entraînement le général Durando, vous pourrez vivre politiquement parlant ; mais vos enfans ou les enfans de vos enfans mourront au pied des Alpes, sans honneur, et avec eux sera ensevelie la dernière espérance de l’Italie ! » Ainsi apparaît partout dans ses vraies proportions la crise actuelle, et c’est ce qui fait qu’on ne saurait nourrir d’illusions. Il faut désirer la paix, il faut l’accepter, si elle est possible ; mais il ne faut croire à sa possibilité que si elle est l’expression de la victoire de l’Occident. N’est-ce point assez pour l’Europe d’acheter cette victoire au prix de sa sécurité violemment troublée, de tous ses intérêts ébranlés, de son repos transformé en une lutte déjà féconde en sacrifices, et dont les conséquences peuvent s’étendre encore en s’aggravant ?

Quant à la France, en suivant avec la fermeté d’une grande puissance une crise dont elle n’a point été la dernière à pressentir le caractère et la portée, elle consacre ce qui lui reste de temps et de préoccupations à ces intérêts et à ces travaux d’un ordre intérieur qui dans les momens de calme sont l’aliment de l’activité publique. Le corps législatif, sans sortir de la sphère modeste et tranquille qui lui est assignée, n’en poursuit pas moins des œuvres utiles dans ses discussions. Il a été saisi de divers projets de loi, dont l’un, comme nous le disions récemment, tend à transformer le système de remplacement militaire. Un autre a pour but de réformer dans un sens plus libéral la législation sur la détention préventive pendant les instructions judiciaires. Un dernier projet enfin refond la législation municipale, et ce n’est pas le moindre malLeur du pays qu’il faille toucher périodiquement à des institutions qui devraient être les plus durables en raison même de leur caractère pratique, local, élémentaire. La loi nouvelle reproduit la plupart des dispositions des lois anciennes, surtout de la loi de 1831, en les mettant en harmonie avec l’esprit d’où sont nées les institutions politiques elles-mêmes, c’est-à-dire en étendant et en fortifiant les prérogatives de l’autorité exécutive. C’est ainsi que tout se concentre dans le pouvoir, et que disparaît l’intensité de la vie politique. Les changemens ministériels eux-mêmes ont un caractère moins politique qu’administratif, comme on a pu le voir récemment. M. Magne a succédé à M. Bineau au ministère des finances, et il est lui-même remplacé à l’agriculture et aux travaux publics par M. Rouher. Ce n’est point là certainement une crise ministérielle, il n’y a point de crises de ce genre aujourd’hui.

Avant de quitter le ministère des travaux publics, M. Magne a publié un rapport où il expose l’état dans lequel il laisse les grandes entreprises de chemins de fer. Il en résulte que, dans l’année qui vient de s’écouler, plus de six cents kilomètres de voies ferrées ont été livrés à la circulation, et qu’à la fin de l’année actuelle les chemins de fer français construits jusqu’ici offriront un parcours total de près de six mille kilomètres. À cela il faut joindre les travaux en voie d’exécution et les concessions nouvelles. Du nombre de ces derniers sont notamment la concession d’un chemin de fer de Nantes à