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des railways n’en avait pas moins gagné un terrain considérable depuis 1842. Le dernier ministère de la monarchie, le ministère du 29 octobre, que présidèrent successivement le maréchal Soult et M. Guizot, avait imprimé aux chemins de fer une impulsion dont il n’est pas permis de méconnaître les résultats. Les opérations de cette époque, reprises dans de meilleures conditions, ont en définitive servi de base à plusieurs des développemens ultérieurs, et elles composent la meilleure partie de l’actif du gouvernement de juillet dans son bilan des chemins de fer.

Voici, en résumé, où nous en étions à la veille de la révolution de 1848. Sur vingt-quatre compagnies autorisées, sans parler des trois anciennes compagnies de la Loire, quatorze avaient terminé leur tâche; mais les chemins exécutés par ces compagnies n’embrassaient à eux tous que 825 kilomètres; les plus notables d’entre ces lignes, en outre des chemins d’agrément rayonnant autour de la capitale, étaient celles de Paris à Orléans, de Paris à Rouen, de Rouen au Havre et de Strasbourg à Bâle. Cinq autres sociétés, dont les concessions atteignaient un total de 1,557 kilomètres, les sociétés du Nord, d’Orléans à Bordeaux, du Centre, de Boulogne à Amiens, d’Avignon à Marseille, n’avaient encore livré au public qu’une faible partie de leur parcours. Aucune section n’était ouverte sur d’autres lignes importantes auxquelles on travaillait avec une activité trop souvent ralentie, à savoir les lignes de Paris à Strasbourg, de Paris à Lyon, de Tours à Nantes, de Montereau à Troyes. de Rouen à Dieppe et à Fécamp. Considérés dans leur ensemble, les chemins de fer autorisés, déduction faite des concessions auxquelles les soumissionnaires eux-mêmes avaient renoncé, formaient un total de 3,924 kilomètres, dont 3,110 résultaient du système adopté en 1842. Il restait encore les lignes autorisées par la loi et s’étendant à 1,295 kilomètres, pour lesquelles on avait inutilement cherché des soumissions, et dont les plus importantes étaient celles de Versailles à Rennes, de Paris à Caen, de Dijon à Mulhouse.

Le capital social des vingt-quatre compagnies concessionnaires s’élevait à 927 millions, et la somme totale affectée aux chemins de fer à 1,376 millions, si on tient compte des subventions en argent, des subventions en travaux et en prêts du trésor, ainsi que du montant des emprunts contractés par les sociétés. Tel n’était pas cependant le chiffre réel du capital alors engagé dans les voies ferrées, car une partie, qu’il faut évaluer à plus d’un tiers, n’avait point encore été versée par les intéressés. Pour qu’on puisse juger ces chiffres par comparaison, disons que le capital absorbé par nos chemins de fer en 1855 s’élève à environ 2,140,000,000, et que l’étendue des lignes concédées comprend plus de 10,000 kilomètres.

L’œuvre accomplie ou préparée sous le gouvernement de 1830 était, on le voit, bien au-dessous du niveau qu’elle a atteint durant ces dernières années. De riches et vastes provinces restaient entièrement privées des avantages du nouveau système de communication. Cependant il y avait déjà là un faisceau imposant. Lorsqu’on songe aux obstacles qu’avait rencontrés un pouvoir harcelé constamment par d’implacables critiques, on s’étonne moins de l’existence des lacunes que de l’étendue des réalisations. Certes on aurait été plus avancé, si l’on avait su plus tôt recourir à l’industrie privée.