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— Sire, je pensais qu’il y avait au monde un roi d’Espagne pour me l’acheter!

Nous avons jusqu’ici fait une bien petite part à la science, et pourtant les pierres précieuses, — et en général tous les cristaux, par leurs formes géométriques, par leurs propriétés mécaniques, par leur nature chimique, par leur poids, leur couleur, leur action sur la lumière, leur électricité, — nous offrent un développement immense d’applications de la physique des plus délicates et des plus savantes. Un cristal s’offre sous une forme régulière; Haüy le conçoit comme un assemblage de petites parties de forme semblable entre elles et disposées d’une certaine manière, à peu près comme on peut supposer un massif ou une pyramide composée de briques d’une certaine forme déterminée assemblées régulièrement. Avec ces petits élémens, il forme le cristal géométriquement; il examine si l’on ne pourrait point les arranger autrement, ce qui donnerait, pour la même substance, un cristal d’une autre structure. La nature lui répond qu’elle a réalisé d’avance sa spéculation théorique, et lui montre un cristal de cette nouvelle forme. Si le calcul et la géométrie trouvent dix, trente, cent figures géométriques possibles avec la forme primitive des briques ou élémens primitifs, la chimie et la minéralogie fournissent des cristaux de la forme prévue mathématiquement. Enfin les formes déclarées impossibles par l’analyse ne se rencontrent jamais dans la nature ni dans les produits du laboratoire. M. Tennant me fournit l’exemple utile que voici : un gentleman, en Californie, voit une pierre à six pans avec deux pointes en pyramide aussi sexangulaire. Cette pierre est brillante, blanche et d’un vif éclat; ce ne pouvait être un diamant, puisque celui-ci n’admet que des pointes à quatre pans et non à six. Cette pierre raie le verre. Ne doutant pas que ce puisse être autre chose qu’un beau diamant, le gentleman en offre 200 livres sterl. (5,000 francs). Heureusement que le propriétaire de la pierre, tout aussi ignorant et tout aussi honnête que l’acheteur, refuse un si bas prix! Plus tard, le même échantillon, qui était du cristal de roche, fut consigné dans une collection minéralogique au prix de 2 ou 3 francs.

La dureté est encore un caractère mécanique qui distingue les pierres fines, et qui peut être étudié dans les cristaux, ainsi que ses variations, suivant les divers sens où l’on veut entamer la pierre. Dans la taille du Koh-i-noor, il y eut des facettes qui demandèrent un jour de travail, tandis que communément on les produisait en trois heures : encore fallait-il augmenter la vitesse de rotation de la roue qui portait la poudre de diamant. Dans un essai fait il y a quelques années aux frais de l’Institut, un diamant noir de Bornéo, dont on voulait éprouver la dureté, fut remis au diamantaire