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est caractérisée par un double mouvement de composition et de décomposition, c’est-à-dire qu’à chaque moment des particules qui sont usées, si je puis ainsi dire, et qui ne peuvent plus être utiles, sont disjointes et entraînées au dehors par les émonctoires qui servent d’issue, tandis que d’autres particules introduites par la respiration et par l’alimentation prennent les aptitudes nécessaires pour entrer dans la trame organisée, et viennent quotidiennement remplacer les pertes quotidiennes. La nutrition, telle que les physiologistes l’entendent, est, on le voit, différente de l’alimentation : celle-ci n’est qu’un acte préparatoire, celle-là, se passant dans l’intimité des tissus, est l’acte définitif ; mais cet acte définitif n’est pas seulement une incorporation de ce qui arrive, c’est aussi l’élimination de ce qui n’a plus d’office. Ces deux phénomènes sont connexes et inséparables, et la vie ne serait pas plus possible si les matières nouvelles cessaient d’arriver que si les matières anciennes cessaient de s’en aller. Le sang est le réservoir commun des unes et des autres ; tout ce qui doit être assimilé vient par lui, tout ce qui est désassimilé s’en va par lui. Il n’y a point de vie sans ce double mouvement, et réciproquement ce double mouvement n’est que dans la substance vivante. Il faut donc sous ce repos apparent concevoir la composition et la décomposition incessantes ; mais que parlé-je de repos apparent ? le cœur bat, le sang circule à flots pressés, le diaphragme s’élève et s’abaisse, tout se meut suivant un mécanisme régulier dont la fin est la nutrition, c’est-à-dire admission et expulsion simultanée de particules matérielles.

Qu’on le remarque bien toutefois, les lois chimiques ne sont ni suspendues ni interverties. Tout, à part ce double mouvement que je viens de caractériser, tout se passe comme les choses se passeraient si les substances n’étaient pas au milieu de ce conflit qu’on appelle la vie. L’oxygène se dissout dans le sang ; les acides se combinent avec les bases, les sels se décomposent réciproquement suivant la loi de double décomposition. Si des substances étrangères s’introduisent dans l’organisme soit comme médicamens, soit par voie d’empoisonnement, elles vont s’unir molécule à molécule avec les tissus, suivant les conditions chimiques, et, les changeant ainsi dans leur état et leur composition, elles les changent aussi dans leurs propriétés, ce qui se manifeste par des phénomènes spéciaux de solution, de crise, de retour à la santé, si le médicament, appliqué à propos, réussit, de douleurs, de souffrances, de troubles mortels, si le poison triomphe des ressources de la nature. Dans tout ceci règne la chimie, et quand on se représente ce grand phénomène, cette persévérance des lois chimiques dans l’intérieur de l’économie végétale ou animale, on comprend (je ne saurais trop insister sur ce point, qui est capital