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ont des diamans d’une grosseur au-dessus de 100 carats. Le premier pour la beauté est de beaucoup le Régent, ainsi nommé parce que c’est au régent qu’on en doit l’acquisition. Tous ces diamans viennent de l’Inde. L’Etoile du sud, dont nous avons déjà parlé, et dont le brut a été montré le 3 janvier dernier à l’Académie des Sciences, est venue du Brésil, et sort de l’une des mines nouvelles qui avaient momentanément fait baisser le prix du diamant. Elle a été trouvée en juillet 1853 et pèse 254 carats 1/2. Ce diamant m’a paru parfaitement limpide et exempt de la teinte reprochée anciennement aux diamans du Brésil. La taille en brillant le réduira à moitié, et le mettra à peu près au poids du Régent, qui est de 136 carats 1/2. La taille en forme du Sancy lui aurait laissé, je pense, les trois quarts de son poids et lui aurait donné beaucoup plus de feux. Quand j’ai voulu en parler à M. Halphen, l’Etoile du sud était déjà partie pour Amsterdam. Elle figurera à l’exposition universelle de Paris cette année. On estime qu’elle pèsera environ 127 carats. Ce sera le cinquième des diamans souverains que la nature aura cédés à l’activité intéressée de l’homme. Tout indique sérieusement que le nombre de ces beaux minéraux est très restreint. Si l’on n’en trouve pas plus, c’est qu’il n’y en a guère, ce qui rappelle le mot de Tacite sur les perles d’Angleterre, savoir que la nature manque plutôt à ces produits que l’avidité aux hommes.

Bornéo n’a point encore envoyé de diamant considérable en grosseur. Il est vrai que les impénétrables forêts de cette belle île équatoriale n’en permettent guère le parcours. Le dernier numéro des publications de la société de géographie de Londres indique environ 2,000 carats pour le produit annuel des mines de Bornéo, qui n’ont encore donné qu’un diamant de 36 carats. Le monopole du gouvernement hollandais est indiqué comme peu avantageux (profitless) à cette puissance, et sans doute, comme au Brésil, la contrebande soustrait une portion considérable des produits. En vérité, si les Hollandais, comme les Américains des États-Unis, envahissaient leur propre territoire, ils décupleraient facilement leur population ; mais cette question nous mènerait trop loin : elle n’est pas cependant étrangère à notre sujet, car la valeur d’un produit naturel dépend de ce qu’on appelle si justement aujourd’hui le marché, c’est-à-dire du nombre et de la richesse des acheteurs. C’est ce qu’a très bien établi M. de Humboldt dans l’appréciation des métaux précieux. Ainsi les États-Unis auront à la fin de ce siècle cent millions de citoyens, non pas de ces malheureux qu’une industrie surexcitée entasse dans les usines de Londres, de Manchester, de Liverpool, de Birmingham, et dont l’existence est liée à celle de l’industrie elle-même, mais bien de riches conquérans d’un sol fertile et généreux, qui, appelés par