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pas compte, et l’on saute d’un ordre de phénomènes dans un autre. Aussi ce vice de logique était-il senti instinctivement par les gens qui, sans pouvoir le démontrer, refusaient leur assentiment, et se jetaient dans l’excès contraire de l’abstraction nuageuse et de la métaphysique sans consistance ; mais la conciliation est obtenue, la satisfaction est donnée aux deux besoins essentiels de l’esprit, qui sont d’avoir une doctrine qui soit à la fois positive et au niveau de l’ordre des phénomènes, dès que la biologie a ses lois propres dont la complication supérieure constitue le caractère.

MM. Robin et Verdeil ont consacré de longs prolégomènes au débat dont il s’agit ici. « Il sera impossible, disent-ils, de parvenir à la solution des grandes questions d’anatomie générale, de physiologie et de pathologie, tant que l’on ne saura pas de quelle manière les principes immédiats sont unis les uns aux autres pour former la substance organisée ; tant que l’on ne saura pas comment ceux d’origine minérale sont unis à ceux qui, cristallisant aussi, ne se trouvent pourtant que dans les corps organisés ; tant qu’on ne saura pas comment ces derniers se réunissent ensemble, en toutes proportions, pour former un troisième groupe de principes non cristallisables ; comment enfin les principes des trois classes ci-dessus s’unissent ensemble pour former la matière organisée susceptible de vivre, c’est-à-dire de renouveler incessamment ses matériaux par un double acte de combinaison et de décombinaison. Tant que ces questions ne seront pas traitées à fond, nous continuerons à rester dans une stérile agitation ou dans la torpeur, agitation prise pour le progrès, torpeur prise pour la stabilité. Depuis l’étude des principes jusqu’à celle des humeurs et des tissus, c’est en vain que vous demanderez à la chimie ou à la physique de résoudre les questions qui s’y rapportent, car elles sont anatomiques et physiologiques : anatomiques en elles-mêmes, physiologiques quant aux actes ou aux propriétés que manifestent ces corps. C’est à nous-mêmes, anatomistes et médecins, de les poser, à nous qui manifestons notre impuissance en réclamant, de la chimie ce qu’elle ne peut nous donner, et qui nous plaignons à tort de ce qu’elle brûle ce qu’elle devrait nous décrire, lorsque c’est à nous qu’en revient la description. Cette étude, il est vrai, nous la devons faire à l’aide des instrumens de la chimie, mais indépendamment des hypothèses chimiques. »

Dans la série d’argumens que les deux savans auteurs ont développés avec soin, je n’en choisirai qu’un, le jugeant à la fois le plus capable de décider la controverse et de figurer dans cette Revue. Toute substance vivante, végétale ou animale, est caractérisée par une propriété essentielle qui ne fait jamais défaut et qui est le fondement de toute vie, à savoir la nutrition. Cette nutrition, à son tour,