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jamais, lui étaient indispensables pour ses nombreux pêcheurs, et le tsar ne laisse pas omettre aujourd’hui, parmi ses innombrables titres, celui d’héritier de ce royaume. Gottland lui serait utile sans doute au même titre que les Aland, pour offrir à sa marine des points de relâche dans la Baltique. enfin nul n’affirmera sans doute que l’intervention de la Russie, suivie de la Prusse, son complaisant organe, dans les affaires du Danemark, n’ait caché de sa part aucune vue ambitieuse sur ce petit royaume, qu’elle a pendant un moment pensé asservir. La Russie a toujours été de la sorte en affichant des espérances nouvelles qu’elle essayait bientôt d’imposer comme des droits. Ivan IV, ce barbare, ne se faisait-il pas appeler déjà empereur de Germanie, frère de César-Auguste, et ne pensait-il pas être une « étoile choisie de Dieu pour illuminer le monde entier ?» Les traités de 1721 et de 1743, qui donnaient à la Russie les provinces du sud-est de la Baltique et la Finlande orientale, suffisaient assurément pour protéger la capitale de l’empire.

Quel avantage la domination russe a-t-elle d’ailleurs apporté à la Finlande ? Malgré tout ce qu’on peut dire de la diète de Borgä, il n’est pas vrai que les vaincus aient pu élever ou faire admettre aucune sérieuse réclamation, puisque, soumis déjà depuis trois années (1809-1812), ils avaient été désarmés sous peine de mort, et forcés de prêter à leur nouveau maître un serment d’obéissance. On avait déclaré leur pays réuni pour toujours à l’empire russe, et c’est après cela seulement que l’empereur a promis en son nom, et au nom de ses successeurs, le respect des institutions politiques et religieuses de la Finlande. Évidemment la diète n’était pas libre et ne pouvait avoir aucune réelle influence. Comment, cette fois encore, les promesses impériales ont été remplies, on le sait de reste : les diètes prescrites par la constitution suédoise, qui régissait la Finlande, ne furent plus convoquées; les ukases se substituèrent à la loi et courbèrent le pays sous l’absolutisme; une aveugle censure vint étouffer les germes de développement intellectuel et moral que la civilisation suédoise y avait déposés. Enfin, pour tout dire, la Finlande ne subit-elle pas aujourd’hui même aussi bien que la Russie un de ces fléaux, une de ces terreurs domestiques qu’inflige le despotisme, et qui marquent bien tout son mépris des hommes, je veux dire la violation habituelle et permanente du secret des lettres, ou tout au moins (pour ne rien écrire qu’on ne puisse prouver) la croyance générale et profonde à cette trahison, à cette insulte de chaque jour ? Les affections de famille qui unissaient si profondément la Suède et la Finlande n’ont-elles pas été par là et ne sont-elles pas encore aujourd’hui douloureusement outragées ? La Finlande est devenue plus riche par le commerce, on peut le reconnaître; mais elle s’est trouvée séparée,