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ces ennemis préparaient à son pays et à son règne. Il avait résolu de déjouer leurs complots; il a exécuté sa résolution autant qu’il était en lui; s’il n’a pas réparé toute la faute de Charles XII, devenue déjà peut-être irréparable, il a du moins préservé la Suède du premier péril que cette faute lui avait attiré.

Ce fut l’alliance française qui lui procura seule les moyens d’accomplir l’œuvre qu’il méditait. Il était naturel que la France, dont la vraie politique a toujours été de relever les faibles pour contenir les ambitieux, offrit de bonne heure son amitié à ces nations du Nord que la nature a placées dans un isolement dangereux entre des empires destinés à une grande puissance politique. Contre les envahissemens de Charles-Quint, Gustave Vasa fut l’allié fidèle de François Ier; contre Ferdinand II, héritier de son double despotisme religieux et politique, Gustave-Adolphe fut le glorieux instrument du cardinal de Richelieu. Richelieu, suivant le beau langage de Voiture, « fut chercher jusque sous le pôle ce héros qui sembloit estre destiné à mettre le fer à ce grand arbre de la maison d’Autriche et à l’abattre; il fut l’esprit meslé à ce foudre, qui a remply l’Allemagne de feu et d’éclairs, et dont le bruit a esté entendu par tout le monde. » Pour ne parler que des relations politiques, sous Louis XIV encore, alors même que l’odeur des lis commençait à se faire sentir trop fort en Europe, les Suédois étaient avec nous; on les appelait les Gascons du Nord ou bien nos janissaires. Et n’était-ce pas leur plus beau temps ? L’expérience n’a-t-elle pas prouvé qu’une étroite alliance avec l’Europe occidentale est profitable à ces peuples ? N’est-il pas permis de croire qu’en 1808 et 1812 des fautes ont été commises de part et d’autre, dont l’ennemi commun a seul profité, puisque, grâce à ces fautes, il a pris la Finlande, objet de tous ses vœux, et repoussé facilement la plus formidable des invasions ?

Bien qu’il eût été déjà question, pendant une diète suédoise, en 1769, de certains changemens favorables à l’autorité royale humiliée par la constitution de 1720, bien qu’il fût visible que Gustave était déterminé à ne pas retarder longtemps l’exécution de ses projets, ce fut la cour de France qui se chargea d’encourager et de diriger l’entreprise. Dès l’année 1770, deux ans avant la révolution, le duc de Choiseul engagea Gustave III à venir se concerter avec le cabinet de Versailles sur les moyens de rétablir en Suède la souveraineté royale et de mettre un terme aux espérances et aux intrigues de la Russie. Tel fut l’objet de son premier voyage en France. En descendant les escaliers du palais, après avoir pris congé du roi son père, il dit au comte Bjelke, qui l’accompagnait vers sa voiture : « Je ne veux plus rentrer dans ce palais tant que durera ce gouvernement de femmes.» On sait quel brillant accueil firent au jeune