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des partis, furent principalement son ouvrage[1] ; elle les attisa en y jetant son or, et la guerre de 1741, qui fut le résultat immédiat de ces intrigues, lui valut déjà la conquête de la Finlande orientale. Ce facile succès, encourageant la Russie, allécha la Prusse, et comme leur traité défensif de 1764, qui garantissait secrètement la constitution de Pologne, était devenu le principe du partage subséquent de ce royaume, de même ces deux puissances, en renouvelant ce traité à Pétersbourg le 12 octobre 1769, ne purent contenir l’expression, déjà formulée précédemment, de leurs espérances. Elles renouvelèrent aussi un article secret, qui, non publié jusqu’à présent dans nos recueils de traités, mérite d’être restitué à l’histoire comme rappelant un curieux épisode dans le tableau des relations entre la Suède et les puissances orientales. Une copie de ce document diplomatique, annexée à une lettre autographe de Frédéric II, du 11 septembre 1772, et envoyée à sa sœur, la reine douairière Louise-Ulrique, mère de Gustave III, se trouve aux archives des affaires étrangères de Stockholm[2] ; en voici le texte :

Article secret troisième du traité entre la Prusse et la Russie, conclu à Saint-Pétersbourg le 12 octobre 1769.

«Les hautes parties contractantes s’étant déjà concertées par un des articles secrets du traité de l’alliance signé le 31 mars de l’année 1764 sur la nécessité de maintenir la forme du gouvernement, confirmé par les quatre états du royaume de Suède, et de s’opposer au rétablissement de la souveraineté, sa majesté le roi de Prusse et sa majesté l’impératrice confirment de la manière la plus solennelle par le présent article tous les engagemens

  1. Ces deux factions divisèrent non pas seulement la diète, mais les salons et les villes. L’origine des deux noms est peu certaine. Suivant les uns, comme on avait reproché au comte Arvid Horn son crédit auprès de la reine Ulrique-Éléonore, devant laquelle il pouvait, assurait-on, se présenter en gardant le chapeau sur la tête, ses partisans, pour rappeler son importance personnelle, se désignèrent par le nom de chapeaux, et leurs adversaires prirent, par opposition, celui de bonnets. Suivant une autre explication, le roi Frédéric I,e ayant, dans un moment de mauvaise humeur, flétri du nom de bonnets de nuit ceux qui s’étaient montrés inhabiles à sauvegarder ses droits, leurs antagonistes avaient appliqué ce nom à tout le parti de la cour et s’étaient arrogé la dénomination contraire. Ces dissensions avaient commencé dès 1720; ce ne fut toutefois que pendant la diète de 1738 que les influences étrangères s’y firent visiblement sentir. Les chapeaux furent alors le parti français et les bonnets le parti russe, l’un ou l’autre alternativement flatteur du peuple ou complice de l’aristocratie et de la cour. Un parti intermédiaire voulut, à la fin du règne d’Adolphe-Frédéric, 1751-1771, ramener les deux factions extrêmes dans les voies de la modération; il se décora du nom équivoque de bonnets de chasse, mais n’acquit jamais de véritable importance. La révolution opérée par Gustave III mit seule un terme à tant de désordres.
  2. Cette pièce importante n’a encore été imprimée qu’à quarante exemplaires, dans un Recueil de documens publié en Suède en 1847 par M. le baron Manderstroem.