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imagination ! Si l’on demande comment il se fait que les penseurs spéculant sur les êtres organisés prennent cette voie, on comprendra qu’ainsi le voulait l’état général de la science contemporaine, le point du développement simultané.

Encore un exemple (celui-là, je l’emprunte à Galien) de la distance énorme qui se trouvait entre les idées générales de l’antiquité et les phénomènes réels. Cet autour, dans son opuscule sur les Mœurs de l’âme, où, s’occupant des facultés intellectuelles, il s’occupe de la partie la plus difficile de la biologie, de celle qui par conséquent lui était la plus inaccessible, est d’opinion que plus le tempérament est sec, plus l’âme devient sage. « Lors même, dit-il, qu’on ne voudrait pas concéder que la sécheresse est une cause d’intelligence, je pourrais du moins invoquer le témoignage d’Héraclite lui-même ; car n’a-t-il pas dit : Ame sèche, âme très sage, pensant que la sécheresse est la cause de l’intelligence ? Et il faut croire que cette opinion est la meilleure, si nous songeons que les astres, qui sont resplendissans et secs, ont une intelligence parfaite ; car, si quelqu’un disait que les astres n’ont point d’intelligence, il paraîtrait ne pas comprendre la puissance des dieux. » Comme toujours, c’est dans l’ensemble cosmique tel qu’il le conçoit, et spécialement dans les astres, que l’auteur va chercher la généralité ; comme toujours, cette généralité, qui est ici une assimilation de la sécheresse avec les phénomènes réels, ne se rapporte à l’objet dont il est question que dans l’esprit de celui qui tente de telles combinaisons abstraites. Et si, analysant de plus près ce rapport, on voulait en déterminer la nature, on verrait qu’il n’est pas, comme la conception même, chimérique et illusoire ; qu’il est positif en tant qu’historique, dénotant la concordance nécessaire entre toutes les notions. Il explique d’une manière satisfaisante la singulière aberration qui fait prendre à des hommes d’ailleurs très éclairés et très pénétrans de vains mots pour des choses. Sans cela, tout est mystère dans les premiers essais de généralisation ; avec cette clé, tout s’éclaircit. Les mots sont vains pour nous qui avons une tout autre conception du monde que n’en avaient nos aïeux ; ils étaient des choses pour eux, qui, ne connaissant pas l’agence intermédiaire de la physique et de la chimie, n’apercevaient, du monde, que les relations de la terre avec le ciel.

Si c’était ici le lieu, je ferais rémunération des systèmes de biologie ou de médecine (on peut prendre les uns pour les autres, longtemps ils se confondirent), et je montrerais comment ils descendent successivement de ces stériles hauteurs pour se rapprocher sans cesse à l’aide des sciences nouvelles qui se constituent. Déjà les systèmes physiques sont plus près de la réalité que ces systèmes de l’antiquité, qui s’appuyaient sur les élémens et sur les astres. Les systèmes chimiques,