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l’élément végétatif, qui est l’agent de la contraction, et l’élément nerveux, qui est l’agent de la sensibilité.

On sait que la chimie, peu de temps après qu’elle eut été constituée à la fin du dernier siècle, apprit à ceux qui étudiaient les corps organisés de quelles substances ces corps étaient formés. Elle fit voir qu’on n’y trouvait aucune substance particulière, aucune qui ne fût déjà dans le règne de la nature générale, aucune qui fût spéciale à ce petit règne dit règne organique. Toutes les parties qui avaient eu vie furent désagrégées et réduites finalement en oxygène, en hydrogène, en azote, en carbone, plus quelques métaux, quelques bases, quelques sels. Ce fut un grand enseignement. D’abord on vit (ce fut ce qui se vit d’abord) que la matière des corps organisés n’était nouvelle que dans sa forme et nullement dans ses élémens, qui étaient ceux de la matière brute ou inorganique, et qu’il y avait entre ces deux matières un vaste mouvement de circulation, la matière vivante prenant et rendant éternellement à la matière brute, qui est là comme un immense réservoir, semblable à la mer par rapport aux nuages et aux cours d’eau. On vit ensuite (et cela était déjà plus reculé et plus caché) qu’au fond la vie ne s’attachait pas indifféremment à toute espèce de substance, qu’elle avait une certaine vertu élective, et que ses rapports essentiels étaient avec l’oxygène, l’hydrogène, l’azote et le carbone. Ceci rétrécissait infiniment le champ qui lui restait ouvert, et l’on put reconnaître aussitôt la condition naturelle qui fait que la masse vivante est si petite par rapport à la masse non vivante. On vit enfin (et cela était encore d’une philosophie plus élevée et plus abstraite) que, puisque les corps organisés étaient faits de la matière générale, seulement modifiée d’une manière nouvelle, de toute nécessité ils étaient soumis à deux ordres de lois, les unes qui sont celles de la matière générale, les autres qui sont celles de la matière organisée. Les premières sont préexistantes aux autres, en sont le fondement, et on est sûr de les rencontrer dans les corps vivans ; les autres sont une superposition, on ne peut les connaître qu’à la condition de connaître les premières, dont elles sont par cela même distinctes. Cet aperçu, suivi avec la profondeur qu’il comporte, suffirait pour vider le débat de la chimie et de la biologie, en montrant ce qui est du domaine de chacune ; mais ce n’est pas par ce côté que j’ai entrepris de traiter la question.

Entre les principes médiats du corps vivant[1] et les dernières

  1. Ainsi nommés parce qu’ils y entrent non pas sous la forme d’oxygène, d’hydrogène, etc., mais sous celle de combinaisons très complexes, de muscles, de chairs, de peau, de tendons, de membranes, etc.