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pratiquent encore les habitans des petites villes de l’état romain. Tels étaient ces établissemens de pasteurs armés, établissemens pour lesquels le nom de ville semble trop ambitieux, et que désignerait mieux le mot de bourgade. Du reste, l’usage s’est maintenu de donner le nom de ville à ce qui ailleurs serait un village ou un bourg; il n’y a pas de villages aux environs de Rome : Albano, Lariccia, Frascati sont des villes. Ce coup d’œil rétrospectif sur la campagne romaine et sur les monticules dont elle est semée n’était pas inutile pour comprendre comment Rome s’est formée par l’agglomération de plusieurs de ces monticules qu’il faut se représenter presque tous comme occupés par une petite peuplade de pâtres et de cultivateurs.

Dans un repli du Tibre s’étendaient quelques prairies entrecoupées de marais et bordées par un demi-cercle de collines : ce coin agreste du Latium devait être Rome.

Quel aspect offraient ces collines ? quels étaient leurs habitans quand Rome a commencé ? Avant de confronter avec l’aspect des lieux les légendes qui contiennent l’histoire primitive du peuple romain, il faut dire un mot d’une tradition mythologique qui se rapporte à un temps où Rome n’existait pas encore, tradition qui atteste la présence d’anciens désordres des élémens dans ce pays où de violentes convulsions de la nature ont précédé les longues secousses de la société.

Le sol de Rome et de la campagne a certainement une origine ignée. Des courans de laves le traversent. Les gracieux lacs d’Albano et de Némi sont d’anciens cratères de volcan; ce que la nature a de plus terrible a produit ce qu’elle peut offrir de plus doux. Un géologue avait même cru reconnaître que le Forum était dans un cratère. Le forum romain était digne de ce brûlant berceau, mais par malheur le géologue se trompait. Il demeure vrai que le terrain sur lequel Rome est bâtie doit son origine à l’action du feu, et, pour le dire en passant, cette circonstance géologique a peut-être décidé de la splendeur et de la magnificence de Rome. Le peuple bâtisseur a trouvé sous sa main une pierre volcanique solide et facile à tailler en gros blocs pour construire ses plus anciens et ses plus durables monumens, une lave indestructible pour paver ses routes, un sable volcanique (la pouzzolane) pour former ce ciment dont les procédés les plus récemment découverts par la science moderne ont pu seuls égaler la ténacité. La nature des terrains géologiques influe beaucoup sur la destinée et l’aspect des villes. Elle apprend pourquoi Gênes est bâti en marbre, Paris en pierre de taille et Londres en brique. Elle explique aussi la solidité et le nombre des monumens de Rome par les matériaux qu’on avait sous la main pour les construire.