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par le général Urquiza, comme chef de la Confédération Argentine, avec la France, l’Angleterre et les États-Unis. Il a contesté la liberté de la navigation du Haut-Paraguay après les traités signés, il y a deux ans, à l’Assomption par les agens européen ? Le Brésil ne pouvait agir que d’une façon indirecte en ce qui touche la navigation de la Plata ; mais sa politique n’est plus nettement dessinée dès qu’il s’est agi de l’Amazone. Ici, le Brésil a protesté contre un décret par lequel la Bolivie proclamait la liberté de quelques-uns des affluens de ce grand fleuve, et ses tendances restrictives se sont surtout manifestées dans un incident qui a eu quelque retentissement au-delà de l’Atlantique. En 1851, le Brésil a signé avec le Pérou un traité par lequel les deux pays règlent au commun la navigation de l’Amazone, et s’accordent mutuellement certains avantages. Or qu’arrivait-il ? C’est que les pays qui ont des traités de commerce avec le Pérou, tels que l’Angleterre et les États-Unis, réclamaient immédiatement pour eux les avantages accordés au Brésil, c’est-à-dire le droit de navigation sur les rivières péruviennes et sur l’Amazone. Le Pérou faisait droit à ces réclamations par un décret très libéral. Ce n’est point ainsi que l’entendait le Brésil ; il protestait contre ces interprétations, et à ses instigations, le cabinet de Lima finissait par retirer ses concessions. Cet incident diplomatique prenait une extrême vivacité, et il ne se terminait pas sans que le représentant des États-Unis, M. Randolph Clay, protestât énergiquement en faveur du droit de son pays. Est-ce donc que le Brésil ait l’intention de rendre inutiles ces grandes voies fluviales qui sillonnent l’Amérique du Sud. Ce ne peut être là sa pensée, ses hommes d’état sont trop intelligens pour concevoir une semblable politique. Seulement le Brésil, c’est là sa doctrine, voudrait maintenir le droit exclusif de navigation aux états riverains de l’Amazone et de ses affluens. Aussi a-t-il envoyé un agent près des gouvernemens possesseurs de ces affluens, c’est-à-dire dans le Venezuela, dans la Nouvelle-Grenade, dans l’Equateur, pour faire prévaloir sa doctrine et la consacrer par des traités. Heureusement il n’a point réussi, puisque ces états ont eux-mêmes proclamé la liberté de leurs voies navigables. Son plus grand succès jusqu’ici, il l’a obtenu à Lima. Le Brésil se fonde sur ce que, étant propriétaire des embouchures de l’Amazone, il reste le maître de fixer les conditions de sa navigation, et limite le droit des autres états riverains. C’est, comme on voit, un moyen de prépondérance politique, et commerciale. Les États-Unis, selon leur coutume, n’ont parlé de rien moins, en plusieurs circonstances, que de forcer l’entrée de l’Amazone. Quant à l’Europe, elle est évidemment intéressée à ne point accepter le système restrictif de la politique brésilienne, et à poursuivre dans l’Amérique du Sud l’application des principes libéraux qui ont prévalu, en matière de navigation, dans le congrès de Vienne ; par le fait, le Brésil lui-même n’est-il pas le premier intéressé à lever toutes les entraves et à laisser toute liberté aux moyens les plus directs de civilisation ?

Le Brésil est sans nul doute le pays relativement le plus prospère, le mieux assis, le mieux dirigé de l’Amérique du Sud ; mais il suffirait d’examiner de près sa situation pour voir ce qui lui manque encore en population, en moyens de travail, en garanties de sécurité, en richesse réelle. C’est une étude instructive, qu’a faite un écrivain belge, M. le comte Auguste van