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de fournir un liquide lubrifiant ; au lieu de la peau et des membranes qui tapissent les voies digestives et respiratoires, le tissu dermoïde, qui au dedans comme au dehors est l’intermédiaire entre les parties profondes et les milieux ambians. Ainsi des propriétés déterminées furent assignées positivement à des tissus déterminés, et, ce qui était le vrai point de la doctrine, des propriétés générales furent reconnues à des tissus généraux, si bien que la fonction de la vie commença à se montrer dans son ensemble, et non plus, comme il était arrivé aux âges précédens, dans ses parties et ses fragmens.

C’était pour en venir à ce pas décisif que tous les autres pas antécédens avaient été faits avec tant de lenteur, l’ourlant ce pas décisif dépendait, comme il a été dit plus haut, de l’accomplissement d’un autre travail qui se poursuivait, celui qui avait pour objet de constituer la physique et la chimie, — et s’il avait été possible historiquement que l’établissement de ces deux sciences fut reculé davantage, le génie individuel, non encore suffisamment pourvu par le génie collectif, n’aurait pu venir à bout de résoudre le problème ; il eût laissé aux générations futures le soin et la gloire de réussir. Ainsi, d’une part, il est pleinement manifeste que le génie, qui paraît être si libre dans son développement et avoir si peu besoin d’aide et de concours, est pourtant dans le fait étroitement subordonné à la marche générale ; ni Bichat, ni Newton, ni Descartes, venus plus tôt, n’auraient immortalisé leurs noms par les découvertes qui y sont attachées. D’autre part, on aperçoit simultanément qu’il serait possible de tracer le linéament idéal de l’évolution humaine, du moins dans sa partie scientifique, et, au moyen de ce linéament, de faire la critique de cette évolution, c’est-à-dire de montrer en quoi elle s’est fourvoyée, en quoi des questions ont été prématurément entamées que l’étal de civilisation ne permettait pas de traiter, et comment de la sorte des forces ont été mal employées et perdues. On pourrait donc affirmer que la biologie, dans sa période rudimentaire, a occupé trop d’esprits, qu’il aurait mieux valu s’adonner aux travaux susceptibles d’avancement, et que par cette impossibilité, longtemps prolongée, d’aucun succès définitif s’expliquent les lenteurs et même les interruptions de sa marche ; mais ceci m’entraînerait trop loin de mon sujet. Je ne puis cependant m’empêcher d’ajouter que la meilleure préparation à l’étude de l’histoire générale est l’étude de l’histoire scientifique.

Le corps vivant n’est pas seulement composé de solides, les liquides y entrent pour une très forte proportion, et quelques-uns y jouent un rôle excessivement important ; il suffit de nommer le sang, qui circule avec une grande célérité à travers tous les organes, qui, à chaque tour par le poumon, passe sous l’action vivifiante de l’air,