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injurieux. Ali-Mami, pour la punir de sa rébellion, ne trouva rien de mieux que de la vendre comme esclave aux chrétiens. La sœur d’Ahmah de Bellah fut sauvée par Canot, non sans difficulté, et vécut ignorée dans un petit village mandingue de la côte, d’où, quelques années plus tard, elle rejoignit secrètement son frère, lorsque ce dernier fut devenu roi de Timbo.

Ces tribus foullahs sont cependant les plus civilisées de toutes celles dont nous entretient le capitaine négrier. Elles sont plus honnêtes que les Mandingues et sont exemptes, au moins en partie, de superstitions ridicules et barbares. Elles ont des mœurs moins douces que les Bagers, mais elles ont une religion qui manque à ces socialistes pacifiques de l’Afrique. Cette dernière peuplade, qui vit à part de ses voisins, possède un gouvernement fondé sur les principes de la république d’Andorre et une philosophie qu’on dirait volée à nos modernes communistes. La tribu est gouvernée par le vieillard le plus avancé en âge. Les Bagers vivent frugalement des produits de l’agriculture, et n’entretiennent aucun commerce avec leurs voisins. Ils sont hospitaliers pour les blancs et détestent mortellement les mœurs de leur race. Le vol est inconnu chez eux. Les produits du travail y sont également divisés entre les membres de la communauté. La polygamie y est autorisée, mais n’exclut pas des mœurs pures. Ils n’adorent pas de fétiches, mais ils n’ont en revanche aucune espèce de religion, ne croient pas en Dieu et considèrent la mort comme une annihilation complète de l’individu. Telle est cette tribu, qui serait mieux nommée une secte, et qu’on dirait avoir été établie par quelque sage de couleur noire, grand partisan de la morale naturelle et inventeur, à son insu, des doctrines de Lycurgue, de Diderot et de Mably.

Ces vénérables communistes forment avec les Foullahs une véritable exception parmi les tribus nègres. Toutes les autres, Mandingues, Soosoos, font pitié ou horreur. Mais si vous voulez connaître la barbarie africaine dans toute sa perfection, descendez vers le sud, dans le royaume de Dahomey par exemple, que visita le capitaine Canot plusieurs années après son voyage dans l’intérieur de la Sénégambie. Là, les absurdes et cruelles superstitions des antiques Égyptiens et des tribus idolâtres de l’ancien monde subsistent encore, aggravées de tout ce que la puérilité nègre peut engendrer d’étrange et de sanglant. Les bons et les mauvais esprits habitent, selon les croyances du Dahomey, dans le corps des iguanes, reptiles adorés à l’égal des crocodiles et des ichneumons du Nil. Les sacrifices humains y sont fréquens, et quels sacrifices ! Jamais les superstitions de l’Inde, du Mexique, de Carthage, des Celtes druidiques et des enfans d’Odin n’ont produit rien de semblable. Ces sacrifices ne sont pas seulement