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que les races sémitiques, et qui n’a pas l’intelligence et l’élévation d’âme de ces dernières. Le nègre n’a que des instincts, et ces instincts sont tellement féroces, qu’ils demandent absolument à être combattus. Il est donc évident que la civilisation africaine, si jamais elle existe, ne pourra être que le produit de la force et de la violence. Cette question se présente avec ces deux alternatives : ou la civilisation africaine sera l’œuvre de la race caucasique, et alors elle sera le lent produit de l’esclavage, — ou elle sortira de l’Afrique elle-même, et alors il faut admettre l’hypothèse d’un Pierre Ier chamitique qui fera pour sa race ce que le grand tsar a fait pour la Russie. Ce ne serait pas trop de l’énergie indomptable, de la force physique étonnante, de l’esprit de justice, de la barbare grandeur d’âme, du dévouement cruel du géant russe, pour faire quelque chose de ces tribus éparses sur le sol africain, et dont nous allons retracer les mœurs. Il est trop probable que ce tsar nègre se fera longtemps attendre ; mais ce n’est que par un tel homme et les moyens énergiques dont il se servirait que l’Afrique peut cesser d’être une terre muette et un scandale dans l’univers. Cependant, ainsi qu’on le verra, on ne peut nier, dans une certaine mesure, l’heureuse influence du mahométisme sur ces populations.

Le capitaine Théodore Canot naquit, dans les premières années de l’empire, d’un père français employé dans les armées de Napoléon et d’une mère italienne. Avec un peu de bonne volonté, on pourrait retrouver dans son caractère les qualités et les vices des deux peuples. Il est dégourdi comme un Français et possède ce laisser-aller, cette légèreté dans l’immoralité qui caractérise notre nation. En même temps, et comme contraste, il possède ce fonds inné d’humanité et d’honnêteté qui nous distingue aussi, et qui a fait dire très bien par Duclos que le Français était le seul homme dont l’esprit pût être corrompu sans que le cœur fut atteint. Il a fait la traite, mais sans essayer de se convaincre qu’il faisait un acte indifférent : il sait parfaitement qu’il se rend coupable, et ne s’excuse pas le moins du monde en bâtissant des théories sur l’infériorité de la race nègre et la supériorité de la race caucasique, comme l’aurait fait un Américain ou un Anglais. Il ne se laisse pas non plus aller aux vices de la profession qu’il a embrassée ; l’habitude et le spectacle fréquent de scènes odieuses et de marchés infâmes n’ont pas endurci son cœur. Il n’est devenu ni rapace, ni avare, ni cruel, comme un Espagnol le serait devenu à sa place. Sauf une certaine dose de sensualité italienne, le Français domine en lui, et nous le félicitons de son humanité et de sa moralité relatives. Elles lui font honneur, et font en même temps honneur à notre nation.

Tout jeune, il fit connaissance avec la mer, visita l’Italie, l’Espagne