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la chaleur était excessive lorsque nous mîmes pied à terre vers le milieu du jour ; mais à peine le soleil avait-il disparu derrière les sommets de l’Allah-Daghda, qu’il commença à neiger, et le froid devint insupportable. Nous nous enfermâmes dans la partie des étables qui formait nos appartemens, et, enveloppés dans nos fourrures, nous écoutions le souffle bruyant du vent du nord, qui, impétueux d’abord, allait s’éteignant à la base des rochers. Le silence avait succédé depuis quelques instans à la tempête ; je sentais le sommeil s’emparer peu à peu de mes paupières, de mes membres et de ma pensée, lorsqu’un coup frappé à la porte me réveilla en sursaut. Un des hommes de mon escorte était malade et en danger de mort, au moins il le disait et il m’envoyait chercher en toute hâte. Je me levai, me couvris de mon mieux avec tous les manteaux que je trouvai sous la main, et je suivis celui qui était venu me chercher. En mettant le pied sur le seuil de ma porte, je m’arrêtai, frappée d’étonnement et d’admiration. La nuit était close depuis longtemps ; au lieu des sombres nuages qui enveloppaient tout le paysage et se précipitaient comme des masses d’ombres dans les gorges resserrées de ces montagnes, je n’avais au-dessus de ma tête qu’un ciel d’un bleu de saphir, parsemé d’étoiles si brillantes que l’œil en était ébloui. La lune apparaissait radieuse au-dessus de l’Allah-Dagdha, et répandait sur le village et sur la nappe de neige qui l’entourait sa douce lumière. Pas un souffle d’air n’agitait les branches des arbres qui s’élevaient çà et là autour des maisons ; c’était une des plus belles nuits que j’eusse admirées de ma vie, et la soirée orageuse à laquelle elle succédait pour ainsi dire sans transition ajoutait encore à son charme. Je traversai le village silencieux et les rues désertes, et j’arrivai à la hutte occupée par le malade, qui était à l’autre extrémité du hameau. Le malheureux était simplement sous le coup d’une folie qui s’était déjà déclarée chez lui par quelques accès. Je le rassurai comme je pus, je lui fis prendre un calmant, et je rentrai dans mon antre.

Le lendemain, nous arrivâmes de bonne heure à Medem, ville bien connue dans l’empire turc pour ses mines de plomb. Je logeai chez le directeur des mines, qui en est en même temps l’entrepreneur, et qui m’accompagna dans ma visite à ses fourneaux. C’étaient des fourneaux primitifs s’il en fut jamais. Le minerai était jeté dans de grands trous au milieu d’un feu d’enfer, d’où le plomb liquéfié sortait par de petits canaux creusés dans la terre, et venait tomber et se refroidir dans une cavité pratiquée au-dessous du fourneau. Il y a plusieurs mines çà et là dans la montagne, et la plus grande partie n’en est pas exploitée. En voyant la quantité de plomb que les fours vomissaient perpétuellement, le petit nombre d’hommes occupés