Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/438

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’honneur qui leur appartient. L’Allemagne est justement fière de sa vieille réputation de loyauté ; il suffira de signaler de tels procédés pour que la conscience publique en fasse justice. On comprend sans peine les raisons qui nous obligent à insister sur ce point. Il peut arriver et il est arrivé souvent en effet qu’un article de la Revue, dérobé par un recueil allemand, est reproduit ensuite d’après cette traduction par quelque autre organe de la publicité, qui par ignorance ne manque pas de l’attribuer au recueil où il l’a pris. L’article est lu, il frappe l’attention, il se grave dans plus d’une mémoire attentive, et plus tard si l’on retrouve le même article dans la collection de la Revue, on ne se rappelle plus les dates, on se souvient seulement qu’un a déjà lu cela ailleurs, et l’originalité des travaux publiés ici peut être l’objet d’une suspicion injuste. C’est pour nous l’occasion naturelle, de le déclarer formellement : jamais la Revue, on le conçoit de reste, n’accueille que des travaux inédits. Ainsi, le 15 décembre 1851, M. Ch. de Mazade donne à la Revue une étude sur la Société et la littérature à Cuba ; cet article est traduit dans les Blaetter le 18 septembre 1852, sans que ni la Revue ni l’auteur soient nommés. Quinze jours après, le 3 octobre de la même année, l’article de M. de Mazade est inséré dans la Gazette d’Augsbourg, qui, sans broncher, en fait honneur aux Blaetter für literarische Unterhaltung. Cet article, n’est pas le seul qui nous ait été emprunté de cette manière, et la liste serait longue, si nous voulions citer tous les travaux de la Revue des Deux Mondes que les Blaetter ont jugé convenable de s’approprier. Il faudrait signaler entre autres l’article de M. Gustave Planche sur M. Sainte-Beuve publié dans la Revue le 1er septembre 1851 et copié dans les Blaetter le 31 juillet 1852. M. Émile Montégut aurait aussi à revendiquer plusieurs de ses articles sur la littérature américaine. N’entrons pas dans ce détail, qui pourrait nous mener trop loin ; nous persistons à croire que cette indication suffit pour avertir le public allemand. Nous apprenons d’ailleurs avec plaisir que la direction des Blaetterfür literarische Unterhaltung a passé aujourd’hui en d’autres mains. Un judicieux critique dont la probité littéraire est justement appréciée, M. Hermann Margraff est en ce moment le directeur de ce recueil, et ce nom-là nous est garant que nous n’aurons plus à l’avenir de pareilles réclamations à faire. Les littératures européennes sont de plus en plus associées à une œuvre commune : c’est leur devoir de se contrôler, de s’éclairer, de se contenir mutuellement. Qu’elles observent donc avant tout le respect du travail d’autrui ; c’est la première condition de l’alliance, c’est la première loi de la fraternité littéraire.


V. DE MARS.