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elle rencontre dans le père de son amant un obstacle insurmontable au bonheur qu’elle a rêvé. Après bien des vicissitudes, la Fonti devient folle et meurt de désespoir à Rome, au milieu des joyeusetés du carnaval. Ce canevas, habilement disposé par M. Mazilier, présente une succession de tableaux où la Rosati est ravissante de grâce et de vérité mimique. Il y a surtout le tableau de la prison où M. Mérante, qui représente le rôle d’un danseur amoureux de la Fonti nommé Carlino, est d’un comique très plaisant. La musique facile et spirituelle de ce ballet est de M. Th. Labarre, qui n’en est pas à son coup d’essai.

Nous allions presque oublier de mentionner le Muletier de Tolède, opéra-comique en trois actes, que M. Adam a fait représenter au Théâtre-Lyrique ; mais M. Adam en a parlé lui-même sans aucun faux scrupule ; de plus M. Berlioz, qui déteste la musique de M. Adam, a fait l’éloge du Muletier de Tolède, pour que M. Adam, qui déteste la musique de M. Berlioz, fasse l’éloge de l’Enfance du Christ. En face de ces justes méconnus, nous imiterons la sage politique de Pilate.


P. SCUDO.


REVUE LITTERAIRE.

M. Félix Clément vient de publier un recueil fort bien fait de fragmens choisis parmi les poètes latins du moyen âge. Déjà M. Ampère dans son Histoire des Origines de notre Littérature, M. Saint-Marc Girardin dans sa série publiée, ici même sur l’Epopée chrétienne, avaient appelé l’attention sur ces écrivains trop oubliés ; ils avaient réussi à prouver la valeur historique et philosophique de leurs poésies sans trop en exagérer le mérite littéraire. M. Félix Clément n’a pas tout à fait la même réserve : dans l’introduction qu’il a placée en tête de son intéressant ouvrage, dans les notices et dans les notes qui accompagnent ces fragmens, nous avons cru trouver, parmi beaucoup de vues justes et ingénieuses, quelques opinions qui nous ont paru assez hasardées. S’il se bornait à professer pour beaucoup de ces poètes une admiration que nous ne pouvons nous empêcher de trouver excessive, il n’y aurait pas lieu sans doute de s’en étonner : quand on s’est livré comme lui à de laborieuses recherches pour déterrer des hymnes et des séquences inédites dans des manuscrits et des antiphonaires inaccessibles au commun des mortels, rien de plus naturel que de s’exagérer la valeur de ces découvertes ; c’est l’histoire de tous les antiquaires. Ce qui nous a paru moins acceptable, ce sont les argumens par lesquels il cherche à justifier son admiration et à l’imposer à ses lecteurs, c’est surtout, sa prétention perpétuelle d’opposer ces poésies à celles des poètes de l’ancienne Rome, et d’en démontrer la supériorité relative. À cet égard, nous devons confesser que nous ne sommes pas encore converti.

M. Clément se propose de populariser dans nos écoles la lecture des poètes chrétiens. Il ne proscrit pas assurément celle de Virgile et d’Horace, mais il voudrait y joindre l’étude des poètes du moyen âge. « Connaissons, dit-il, les Grecs et les Romains le plus que nous pourrons, admirons-les pour ce qu’ils valent ; mais sans les bannir de nos études, au nom de la vérité, des