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Là, debout sur le seuil, telles que des statues,
Vous attendent trois sœurs diversement vêtues,
Mais toutes trois montrant par l’éclair de leurs yeux
Que leur penser commun va de la terre aux cieux.
Elles vous guideront dans ces chambres sublimes,
Sanctuaire de l’art interdit aux infimes,
Mais où l’extase prend tout généreux mortel
Devant ta divine œuvre, ô divin Raphaël.

Les voici ! La première est la Muse elle-même,
Avec sa lyre d’or. Le feuillage qu’elle aime
A décoré son front ; son pas est si léger,
Qu’elle semble vers nous, colombe, voltiger.
C’est que, pour s’élever aux sphères éternelles,
La poésie est prompte à déployer ses ailes ;
D’en haut, lorsqu’elle instruit les peuples et les rois,
La Divinité même a parlé par sa voix.
Mais, calme, elle s’arrête avec un doux sourire,
Et ses beaux yeux tournés vers celui qui l’inspire :
— Dieu jeune, demi-nu, sur le Pinde sacré
Apollon radieux chante comme enivré.
Au bruit de son archet, les verts lauriers frémissent,
Hippocrène s’épanche, et dans un chœur s’unissent
Les neuf savantes sœurs, mélodieuse cour,
Pour dire leur amant, Phébus, le dieu du jour,
Le dieu de la pensée, ardent et bon génie
Qui lance la lumière et répand l’harmonie.
Pâle, les bras tendus, le sublime vieillard,
Lui-même Homère écoute, et tous les fils de l’art,
Grecs, Latins et Toscans (ô Corneille, ô Racine,
Aujourd’hui vous brillez dans cette cour divine !)
S’excitent à monter vers la cime d’azur
Où tout ce qu’ils rêvaient est harmonique et pur.

Chanteurs, ici pourtant la Muse vous confie
À son austère sœur, à la Philosophie :
Âme éprise du vrai, cœur sans illusion,
Esprit toujours plongé dans la réflexion. —
Voyez dans son école, immense architecture,
Amis de la Sagesse, amants de la Nature,
Voyez-les, jeunes, vieux, avec sérénité,
Par des efforts divers cherchant la vérité.
Armé de son compas d’où la gloire rayonne,
Sur le marbre Archimède inscrit un hexagone ;