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Car, les devoirs du pauvre, ils n’en parlent plus guère :
Je voudrais l’éclairer par un double savoir,
En face de son droit lui montrer son devoir.
Aujourd’hui tout est piège et mensonges infâmes ;
Pour réussir, on flatte et le peuple et les femmes.
Êtres purs et charmants avec qui je me plus,
Isabelle, Henriette, Agnès, vous n’êtes plus !
On a sous d’autres noms Philaminte et Bélise,
Puis des femmes jockeys ou quêteuses d’église ;
Marinette au marché ne va plus qu’en chapeau,
Et s’enquiert de la rente et rêve d’un château.
Oui, voilà plus d’un trait, belle Muse, ô ma mie,
Que j’aimerais lancer en mainte comédie,
Et dans un style ouvert, à l’aise, copieux,
Tel que me l’a soufflé votre masque joyeux. »

De la sorte il parlait, lui le sage, l’artiste,
Le grand contemplateur au rire bon et triste.
(Et ces épanchements d’un passant recueillis,
Par moi, nouvel écho, sont encore affaiblis.)
Oh ! quel heureux porte, héritier de Molière,
Si celui qu’enseignait cette voix familière
Avait su retenir le secret attrayant
De l’art grave et joyeux qui corrige en riant,
Chaque mot sur les mœurs, l’esprit, le caractère.
Fonds qui se modifie et jamais ne s’altère,
Et, vieilli, reparaît avec variété
Dans ce monde mouvant qu’on appelle Cité !


CHANT TROISIÈME.

LE TEMPLE.


La pensée du poète se mûrit dans les voyages. – Les cités de Dieu. – Peinture de Rome, terre épique. – Le Vatican : apparition des trois muses, la Poésie, la Philosophie, la Théologie. – Prière au temple de Saint-Pierre. – Consécration du poète.

 
Un même but attire et l’artiste et le sage ;
Le but est radieux, mais long est le voyage.
Sans jamais vous lasser, jusqu’au bord du tombeau,
Vous qui marchez au bien par le chemin du beau,