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qu’il y a des taches dans le soleil. Ces taches sont le fond de vastes entonnoirs ou abîmes qui se forment dans l’enveloppe lumineuse de cet astre. Cette enveloppe ou couche lumineuse venant à se briser laisse voir le noyau du soleil, qui est d’un noir rougeâtre et ne paraît pas partager l’immense chaleur de l’enveloppe extérieure. Ce noyau peut donc, à toute force, être un lieu habitable, ou plutôt un lieu non inhabitable. La chose ne parait pas cependant très facile à admettre dans le voisinage et au-dessous d’une enveloppe si ardente, et qui, à une si grande distance, donne aux régions tropicales de la terre des feux si ardens. On conviendra du moins que s’il n’y a pas impossibilité, il n’y a aucune induction, aucune analogie qui nous fasse admettre les habitans du soleil, ni ceux de tous les mille millions de soleils que le télescope nous montre un à un, sans compter les épouvantables amas de ces astres qui, sous les noms de voie lactée, d’amas d’étoiles, de nébuleuses de toutes sortes, composent cette partie de l’univers matériel que nous apercevons de la place où nous sommes confinés dans cet univers. Mais si autour de chacun de ces soleils nous admettons des planètes, comme l’indique l’analogie de notre système solaire, et si nous peuplons ces planètes d’habitans et d’êtres raisonnables, à tous les degrés d’intelligence, je pense qu’il n’y a point d’esprit assez chagrin pour regretter la non-admission des habitans dans les soleils ou étoiles pas plus que dans les lunes ou satellites, et encore moins dans les comètes. Cette prodigieuse population de l’univers semblera en harmonie avec la grandeur infinie et toutes les autres qualités que notre pensée attribue irrésistiblement à la puissance créatrice.

Au premier abord, les habitans prétendus du soleil sembleraient isolés du monde entier, comme le sont les poissons qui vivent dans les eaux souterraines de la Dalmatie, ou bien ceux que les puits forés d’Égypte amènent à ciel ouvert ; mais le docteur Brewster ne refuse même pas aux habitans du soleil la jouissance des contemplations astronomiques. Dès que l’enveloppe lumineuse se brise pour former ce que nous appelons une tache, ils peuvent, suivant M. Brewster, saisir ce moment pour observer le monde extérieur, à peu près comme les habitans de certaines localités couvertes de brouillards presque continuels profitent de quelques rares éclaircies pour contempler les régions célestes étrangères à la terre. Dans le Voyage au Spitzberg de Mme Léonie d’Aunet, on indique à l’auteur, qui se trouve alors à Havesund, près du Cap-Nord, une circonstance qui ne se produit que quand le soleil brille. — Et le soleil brille-t-il souvent à Havesund ? demande la voyageuse. — Cinq ou six fois par an, madame ! — Telle est la réponse. En somme, je n’ai pas grande foi dans les progrès que peut avoir faits la science astronomique chez