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l’imagination ou convenable, ou probable, ou possible, existe peut-être réellement, ont été conduits à classer les aperçus métaphysiques parmi les moyens d’investigation les plus efficaces, même dans le monde physique. Ils les regardent comme pouvant mettre sur la voie de recherches importantes, qui, si elles sont couronnées de succès, ajouteront de riches acquisitions au trésor que l’esprit humain a déjà accumulé dans la science de la nature, C’est ainsi que ces principes généraux, que la nature ne fait rien en vain, qu’elle opère toujours avec la moindre dépense possible de force, dans le moindre temps, par le chemin le plus court, et enfin avec la moindre action et la plus grande stabilité possible ; — tous ces principes, disons-nous, traduits en calculs et vérifiés par les recherches, ont conduit aux plus brillantes découvertes dans toutes les sciences d’observation. Nous nous bornons aujourd’hui à indiquer cette thèse, nous réservant un jour de la développer ici même.

L’ouvrage du docteur Whewell sur la pluralité, ou plutôt, comme nous l’avons dit, sur la non-pluralité des mondes, a donné naissance en 1854 à un ouvrage tout à fait contraire du célèbre physicien sir David Brewster, l’un des huit associés que l’Institut de France choisit parmi les célébrités scientifiques du monde entier. Les découvertes de sir David dans l’optique sont bien connues, et il a peu de rivaux dans cette science si voisine de l’astronomie, puisque c’est principalement et presque exclusivement par leur lumière que les astres sont en relation avec nous. Son ouvrage ou plutôt sa réponse est intitulé : More worlds than one ; the creed of the philosopher and the hope of the christian, c’est-à-dire « le monde n’est pas unique, c’est le credo du philosophe et l’espérance du chrétien. » Les conclusions de cet ouvrage sont parfaitement l’opposé de celles de l’auteur de l’Essai. Le docteur Brewster énonce lui-même qu’il l’a composé en réponse au livre de M. Whewell, et il pense que son ouvrage aura pour effet de soutenir le respect et la considération qu’avaient justement mérités les grandes découvertes faites depuis un siècle dans l’astronomie sidérale. C’est en ces termes que l’ouvrage a été présenté à l’Institut, le 31 juillet 1854, par l’auteur de cette étude. Quoique M. Brewster ne soit pas, comme son antagoniste, un théologien de profession, les convenances religieuses n’y sont guère invoquées moins souvent, ce qui n’étonnera pas, lorsqu’on saura que dans leurs sermons les prédicateurs protestans ont l’habitude de développer beaucoup de thèses appartenant aux sciences d’observation ; on cite dans ce genre un sermon du docteur Bentley, qui reçut de Newton lui-même les instructions nécessaires pour le composer.

Pour nous autres Français, peu habitués à ce mélange du sacré et du profane, il nous suffira, en opposant un docteur à l’autre, d’examiner