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contre toutes les analogies, subordonné à la terre, et pourquoi la terre avait-elle le privilège de se faire suivre par une espèce de planète secondaire dont elle dominait les mouvemens, et qu’elle faisait tourner autour d’elle, comme elle tournait elle-même autour du soleil ? Sans doute cette domination était flatteuse pour notre planète, qui imposait ainsi ses lois à une espèce de serviteur, à peu près comme les courtisans imposent à leur domesticité la domination qu’ils subissent eux-mêmes de la part du souverain. On avait donc, à partir du soleil, d’abord Mercure, ensuite Vénus, ensuite notre terre sous le nom de Cybèle, ensuite Mars, puis Jupiter et Saturne ; mais, encore un coup, comment se faisait-il que la terre fût accompagnée de la lune, tandis que les autres planètes ne montraient rien de pareil ? Plus de la moitié du XVIe siècle, entre Copernic et Galilée, fut embarrassée de cette contre-analogie lunaire. Enfin le Nuntius sidereus de Galilée, cette gazette du ciel, apprit à l’univers que la terre n’était pas seule accompagnée d’un astre secondaire, d’une lune : Galilée en avait vu quatre à Jupiter. Cette immense planète, trois cents fois plus grosse que la terre, avait quatre satellites, quatre lunes, quatre petits astres secondaires. Plus tard les astronomes reconnurent huit lunes à Saturne. Uranus et Neptune, qui ne figuraient pas encore au nombre des planètes, furent aussi reconnus plus tard comme suivis ou entourés de lunes ou satellites. L’analogie était partout, la terre n’avait rien d’exceptionnel, et si elle était habitée, pourquoi les autres planètes qui lui ressemblaient en tout ne le seraient-elles pas ? Ajoutons de plus que l’orgueil légitime de la race humaine, qui sent à juste titre sa prééminence sur les êtres matériels, portait naturellement à faire le raisonnement suivant : l’homme étant le roi de la création qu’il domine et celle-ci semblant faite pour lui, à quoi servirait la création de tant d’autres globes pareils, s’ils n’étaient peuplés non-seulement d’animaux vivans, mais même d’êtres raisonnables ? Un pas de plus, on y aurait admis les clochers de Molière. Réservons encore là-dessus l’exposé des notions acquises par la science et les conclusions que nous aurons à en tirer.

Tandis que Cassini et Huygens, devenus Français par les bienfaits de Louis XIV, qui les avait appelés en France, complétaient par l’observation les spéculations de Pythagore et de Copernic et les découvertes optiques de Galilée ; — tandis que s’établissait l’opinion qui attribuait des habitans, et même des habitans doués de raison, aux autres planètes comme à notre terre, — Fontenelle, qui suivant Voltaire faisait de petits vers et de grands calculs, Fontenelle, de l’Académie française et secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, non moins savant astronome qu’écrivain élégant, Fontenelle, disons-nous,