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vite que l’observation, et l’assertion devance la preuve. Or les anciens, en toute chose, ont dit le pour et le contre ; plus soigneux de faire de l’éloquence que d’arriver à la vérité, ils ont laissé tout indécis. Ce n’est donc pas une grande recommandation, pour une théorie quelconque, que d’avoir son origine dans l’antiquité, puisque l’opinion contraire pourrait également prétendre au même avantage. La Grèce était le pays des philosophes, ou, si l’on veut, des raisonneurs, et, comme disait Cicéron, « il n’est rien de si absurde qui n’ait trouvé quelque philosophe pour le soutenir. »

Qu’on nous permette d’insister sur le peu d’importance que les philosophes attachaient anciennement aux notions exactes sur le système du monde. Aristote, ce génie profond en tout, mentionne avec une incroyable indifférence les idées pythagoriciennes qui plaçaient le soleil au centre des mouvemens planétaires. Il a donc connu parfaitement cette théorie, aussi simple que conforme à toutes les observations ; il en parle en passant et sans s’y arrêter, sans avoir l’air d’en sentir l’importance. Bien des siècles après, Ptolémée met au rang des planètes, qui, suivant lui, tournent à l’entour de la terre, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter et Saturne, et même la Lune ! Peu lui importe que le soleil soit immensément gros, qu’il soit lumineux par lui-même, qu’il nous envoie l’étonnante quantité de chaleur qui fait nos saisons, nos climats et la vie tout entière à la surface de notre globe. Voilà cet astre si différent des autres, si exceptionnel en tout, qui prend son rang, son cercle, ses épicycles, comme la plus petite des planètes ; c’est à peu près comme si on comptait un éléphant parmi les individus d’un clapier de lapins. La lune, qui ne ressemble pas plus au soleil qu’aux planètes, se trouva de même assimilée à une planète dans cette incroyable confusion, et le genre humain, fermant les yeux aux lumières de l’école de Pythagore, vit sur cette étrange doctrine pendant douze ou treize siècles, excusant par une crédulité aveugle l’ignorance de ses instituteurs !

Cependant, lorsqu’après la publication de l’ouvrage de Copernic le télescope, inventé en Hollande au commencement du XVIIe siècle, eut été dirigé par Galilée vers les corps célestes, et qu’on eut reconnu d’immenses différences entre des astres qui, à la vue simple, se ressemblent tous et ne paraissent que comme des points brillans, il n’y eut plus moyen de soutenir les vieilles doctrines, et l’on fut forcé, par l’inspection immédiate, d’admettre toutes les vérités que la logique avait inutilement proclamées. Toutes les étoiles ne furent plus que des points brillans sans grosseur appréciable, comme le serait notre soleil, s’il était quelques centaines de mille fois plus éloigné de la terre. Toutes les planètes au contraire prirent des dimensions considérables ;