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une ou deux fois, et encore d’une manière fugitive et superficielle. La première étude un peu sérieuse entreprise sur ce sujet date de 1817 ; elle est due à un ingénieur des mines, M. de Gallois, qui, au retour d’un voyage dans les districts houillers de l’Angleterre, rendit public le résultat des observations qu’il y avait faites[1]. Son écrit, que recommandaient de précieux détails techniques, n’envisage pas encore les chemins de fer comme pouvant servir au transport des personnes ; en revanche, M. de Gallois y avait nettement défini leur rôle par rapport aux marchandises. Il les croyait destinés à former un complément essentiel de nos voies de communication, c’était beaucoup pour l’époque, et le nom de M. de Gallois, injustement oublié, mérite une place honorable dans les annales de nos routes ferrées.

Dès qu’on voulut en France utiliser les observations recueillies chez nos voisins, on songea, comme eux, aux besoins de nos districts houillers. Dans le cercle d’idées où l’on était enfermé, il n’eût servi de rien d’avoir auprès de soi de grandes masses de population : il fallait seulement de fortes accumulations de matières premières. Un de nos départemens du centre, celui de la Loire, se présentait sous ce rapport dans des conditions tout à fait exceptionnelles. Sans parler des établissemens métallurgiques qui s’y étaient déjà développés, on y trouvait un bassin houiller inépuisable dont les deux villes de Saint-Étienne et de Rive-de-Gier sont les deux centres. Les concessionnaires des mines acheminaient leurs charbons soit sur la Loire, soit sur le Rhône ; mais pour gagner l’un ou l’autre de ces fleuves, ils n’avaient sur le versant des montagnes que des routes difficiles, incessamment dégradées par de pesans tombereaux. Un homme spécial, un ingénieur des mines comme M. de Gallois, M. Beaumier, qui a été depuis inspecteur général des mines et directeur de l’école des mines de Saint-Étienne, entreprit le premier de doter cette région d’une voie ferrée. La distance de Saint-Étienne à la Loire étant moindre que celle de Saint-Étienne au Rhône, il porta son attention sur le premier de ces fleuves. Après avoir étudié aux environs de New-Castle, dans le Northumberland, le système des constructions anglaises, il traça le plan d’un chemin entre Saint-Étienne et Andrezieux. Appuyé par quelques capitalistes, il obtint le 26 février 1823 une concession signée par le roi Louis XVIII, et à laquelle M. de Corbière, ministre de l’intérieur, attacha son nom[2].

Le chemin de Saint-Étienne à Andrezieux, qui a environ 20 kilomètres de longueur, nous montre l’art des constructions en fait de voies ferrées livré à la plus complète inexpérience. Non-seulement, au lieu de rails en fer, on emploie les rails en fonte, si cassans de leur nature, mais on ne se préoccupe guère de modérer les accidens d’une route, descendant des montagnes jusqu’au fond de la vallée de la Loire. On se lance sur le flanc des coteaux avec de simples détours comme s’il s’agissait d’un chemin ordinaire ; les courbes se resserrent parfois jusqu’à 50 mètres de rayon.

  1. L’opuscule de M. de Gallois est intitulé : les Chemins de fer en Angleterre, notamment à New-Castle, dans le Northumberland.
  2. Les capitalistes qui contribuèrent à ce premier essai, et dont il n’est pas hors de propos de citer les noms, étaient MM. Hochet, de Lur-Saluces, Boignes, Milleret et Bricogne, la plupart intéressés déjà dans quelques grandes usines du pays.